Rien n’est plus comme avant
Trouver de nouveaux repères avec son conjoint, éprouver des sentiments dont on ne soupçonnait pas l’existence… Devenir mère, quelle aventure ! Il est tout petit, ce bébé, mais qu’est-ce qu’il prend comme place ! Parfois trop pour que le couple se retrouve. Si vous avez l’impression de vivre dans une bulle, votre bébé et vous, vous ne vous trompez pas ! Les premières semaines après l’accouchement sont un prolongement de la période intra-utérine. Le nouveau-né forme un tout avec cette maman qui assure sa survie et son éveil au monde. C’est ce que Donald W. Winnicott appelait « la préoccupation maternelle primaire ». « Bien des conflits se révèlent à l’arrivée de l’enfant, affirme la psychanalyste Catherine Mathelin. De retour à la maison, la mère vit une relation fusionnelle et archaïque avec son bébé. En rivalité directe avec ce nouveau-né qui accapare sa femme, le père est jaloux. Même s’il ne le formule pas clairement, il se sent évincé. » Le manque de désir sexuel n’arrange pas les choses : les gynécologues notent un désinvestissement de la sexualité après l’accouchement par les hommes comme par les femmes… Viennent aussi se greffer les changements de vie : moins de sorties, de copains, plus le temps de faire grand-chose à part s’occuper du bébé ! Pas facile d’accepter ces renoncements. Pour sortir de cette impasse, il faut que chacun fasse un pas vers l’autre : l’homme doit comprendre ce qui se passe dans la tête de sa femme et celle-ci ne doit pas se contenter de ce que lui apporte son bébé. Pour l’enfant comme pour le couple, il est indispensable que soit préservé un intérêt pour la relation amoureuse et la vie extérieure. Il est essentiel, dès le départ, de préserver l’intimité du couple. A tout cela s’ajoutent encore la fatigue de l’accouchement, l’émotion et le nouveau rythme de vie : les jeunes mamans se sentent hyperdébordées. « Les premières semaines sont les plus critiques, le temps que chacun trouve ses repères et s’ajuste à cette nouvelle vie, commente Pauline Charvet, puéricultrice. Il est important que la mère laisse de la place au papa. Qu’il puisse s’occuper de son enfant, à sa manière. » Certaines mamans ont en effet tendance à vouloir tout prendre en charge. Elles ont du mal à déléguer. Alors, apprenez à céder la place ! Très vite, les mères se sentent coupables. Elles ont peur de mal faire, n’osent pas se séparer de leur bébé pour souffler… Qu’elles se rassurent : éprouver de la culpabilité est normal, voire positif et stimulant ! Ce sentiment prouve qu’on est une personne sensible et consciente de ses responsabilités. Ainsi, Donald W. Winnicott compare la mère à… une cuisinière : « Si une femme n’a aucun doute sur ses capacités, je ne pense pas qu’elle puisse être une bonne cuisinière ! Dans l’ensemble, si on pouvait choisir ses parents, on préférerait avoir une mère qui connaît la culpabilité, qui se sent responsable au cas où les choses vont de travers… » En revanche, non à l’anxiété chronique – stérile et nocive pour tout le monde ! A commencer par le bébé, qui se cherche dans le regard de sa mère. S’il n’y voit que des soucis, il devient à son tour anxieux. Un bon conseil, donc: si vous vous sentez dépassée par l’anxiété, consultez un spécialiste. Il vous aidera à reprendre pied. « La mère parfaite n’existe pas, souligne Catherine Mathelin. La mère suffisamment bonne, oui. Celle qui ne sacrifie pas sa vie à son enfant, qui sait avoir d’autres centres d’intérêt. Penser à soi est nécessaire, voire essentiel, pour la maman comme pour l’enfant ! » Celui-ci est en effet une autre personne, pas un prolongement d’elle-même. Lâcher du lest, ne pas se laisser dévorer, accepter de perdre de sa toute-puissance de supermaman, supporter que son enfant devienne autonome, c’est probablement cela devenir mère. Aimer, puis s’effacer. Un exercice difficile mais si beau…