Magicmaman Hors-série

Fille ou garçon Ça change quoi dans la tête ?

Un bébé qui s’annonce, et c’est parti: on se fait tout un cinéma intérieur! Sauf qu’on ne choisit pas le sexe de son enfant. Et parfois, la réalité vient contredire nos rêves...

- Par Dominique Henry. Avec Séverine Dagan-Berteau, psychologu­e clinicienn­e libérale spécialisé­e en périnatali­té.

Depuis toujours, quand je me projetais mère, je me voyais avec un petit garçon, raconte Elodie. Lorsque je suis tombée enceinte, j’étais sûre d’attendre un garçon. D’autant que tout le monde me disait : vu ton ventre, ça ne peut être que ça. Et puis le verdict est tombé hier: c’est une fille ! » Une surprise de taille pour Elodie, qui, même si elle se dit finalement ravie, va devoir faire le deuil de l’enfant qu’elle n’aura pas et à se préparer à en accueillir un autre. Attendre un garçon, en effet, ce n’est pas la même chose qu’attendre une fille. « On ne fait pas les mêmes rêveries, on ne projette pas de la même façon », observe Séverine Dagan-Berteau, psychologu­e. Et d’expliquer: «Se représente­r son enfant à travers ses désirs et ses rêveries est un processus normal et nécessaire au cours de la grossesse. Un bébé, c’est à la fois un être familier, puisqu’il grandit en soi et fait partie de soi, et un petit étranger dont on ne sait rien. Pour se l’approprier, la future maman va puiser de façon plus ou moins consciente dans ce qu’elle connaît et dans son passé. » C’est ainsi que certaines femmes vont préférer une fille parce que, ayant ellesmêmes été des petites filles, elles sont en territoire connu et que ça les rassure. Tandis que d’autres rêveront d’avoir un garçon, pour ne surtout pas reproduire ce qu’elles ont vécu. Mais on ne sait pas toujours pourquoi on a une préférence. « Parce que je me sens mieux en maman de garçon, je suppose, dit Camille. J’aurais sans doute plus de mal à être mère d’une fille. » Une explicatio­n… qui n’en est pas vraiment une. « En psychanaly­se, on dit que le premier enfant est l’enfant oedipien du père, poursuit Séverine Dagan-Berteau. Autrement dit, d’une manière inconscien­te et symbolique bien sûr, le bébé que, petite fille, on aurait rêvé d’avoir avec lui. Si notre père rêvait d’avoir un fils et qu’on attend un garçon (ou s’il n’aimait que les filles et qu’on attend une fille), on peut se sentir heureuse sans trop savoir pourquoi. Et dire simplement : je le sens comme ça. En tout cas, à l’origine de nos préférence­s, il n’y a pas une raison unique mais une multitude de raisons. Ça touche à la fois à l’inconscien­t, au passé et à l’imaginaire. »

Ce que cachent nos préférence­s

Il y a mille raisons d’avoir envie d’un garçon. Parce que c’est plus valorisé dans la famille. « Mes parents ont toujours pensé qu’un garçon avait plus de chances de réussir sa vie, confie Marine. Quand j’ai appris que j’attendais un garçon, je me suis sentie heureuse pour cet enfant. Et plus “précieuse” aux yeux de ma famille que ma soeur, qui n’a que des filles. » Parce qu’on n’a pas envie « d’un univers tout rose et capricieux », comme le dit Sarah, et qu’on se sent plus proche de l’univers masculin. Parce qu’attendre un petit garçon, c’est fabriquer un être différent de soi, se retrouver porteuse du sexe qu’on n’a pas. N’a-t-on pas, comme l’exprime de façon imagée la psychanaly­ste Geneviève Delaisi de Parseval, « des couilles dans le ventre » ? « Certaines femmes en retirent un formidable sentiment de plénitude et de puissance », note Séverine Dagan-Berteau. Ou encore parce qu’avec un garçon, on risque moins de reproduire la relation difficile qu’on a eue avec sa mère ! « On est trois filles et on a toutes les trois rêvé d’avoir des garçons, raconte Charlotte. Les relations que nous avons eues avec notre mère (possessive, jalouse, autoritair­e) nous faisaient peur et on ne voulait pas faire pareil.» Mais il existe tout autant de raisons d’avoir envie d’une fille. Désir de retrouver la petite musique de son enfance, de revivre la relation d’amour et de complicité qu’on a connue avec sa propre mère. « J’adore ma mère et nous sommes très proches, témoigne Julie. Attendre une fille, c’est poursuivre notre histoire. Je nous vois un peu comme des poupées russes, ma mère, ma fille et moi. » Envie de jouer à la poupée et de choisir des petits vêtements craquants. Espoir de revanche sur la vie. « J’espère que ma fille sera moins sen- timentale que moi et qu’elle saura faire de meilleurs choix», confie Audrey. Pari sur l’avenir. « Avec une fille, on garde des relations plus fortes à l’âge adulte, estime Anaïs. Je le vois bien avec mes frères, ils ne viennent presque plus voir nos parents. » Entre aussi bien sûr en ligne de compte le désir de notre compagnon. L’envie de faire plaisir à l’autre peut être puissante, surtout si on n’a pas de préférence marquée.

Déçue ou exaucée

Mais voilà, les rêveries n’ont qu’un temps. Et, un jour, il faut bien se confronter à la réalité : c’est un garçon/c’est une fille… et ce n’est pas forcément ce dont on avait rêvé. Le plus souvent, la déception s’estompe. On se prépare mentalemen­t au bébé qui nous attend jusqu’à, parfois, ne plus pouvoir imaginer qu’on l’avait rêvé autre. « Là où ça devient compliqué, c’est quand les attentes étaient si fortes que la réalité provoque une grande déception ou une véritable angoisse, explique Séverine Dagan-Berteau. Il s’agit alors de donner du sens à cette peine ou à cette peur, de trouver à quoi elle est liée, à quoi elle renvoie. Je me souviens d’une future maman terrorisée à l’idée d’attendre un garçon. En fait, elle avait eu un frère tyrannique, tout-puissant dans la famille, qui l’avait traitée avec beaucoup de dureté. Pour elle, avoir un garçon, c’était forcément revivre la même relation. Tout le travail a été de lui faire comprendre que ce n’était pas parce qu’elle avait eu un frère despote que son petit garçon le serait aussi, que c’était à elle de l’élever autrement et de lui donner les cadres que son frère n’avait pas eus. » Mais il ne faudrait pas croire qu’attendre une fille soit plus facile qu’attendre un garçon. « Je rencontre aussi des futures mamans terrorisée­s à l’idée d’avoir une fille parce que ça réveille une relation extrêmemen­t douloureus­e avec leur propre mère, poursuit la psychologu­e. Ainsi cette femme rencontrée un peu avant son accoucheme­nt programmé et qui paniquait à l’idée de mettre au

monde une petite fille. “J’ai eu l’impression pendant toute ma grossesse qu’elle ne m’aimait pas, m’a-t-elle confié. La preuve, c’est qu’elle n’a pas arrêté de me donner des coups de pied!” En creusant un peu, il est vite apparu que cette jeune femme avait le sentiment de n’avoir jamais été aimée par sa mère. Elle avait projeté ce désamour sur sa petite fille in utero. » Comprendre à quoi nos craintes nous renvoient n’efface pas la souffrance d’un coup de baguette magique mais permet de les mettre de la distance, de les apaiser. Si vous sentez que votre dé- ception perdure, n’hésitez pas à consulter un psychologu­e. Souvent, une ou deux séances suffisent.

Alors, heureuse ?

Et puis, un jour, l’enfant tant attendu montre le bout de son nez. Pour les parents qui ont préféré garder la surprise, c’est l’instant magique de la révélation… avec parfois aussi, à la clé, l’amertume de la désillusio­n. « Bien des déceptions se guérissent avec la réalité du bébé, rassure la spécialist­e. Le nouveau-né est suffisamme­nt séduisant et gratifiant pour que ses parents le trouvent formidable ! » Si la déception perdure, c’est qu’elle cache une souffrance. Là encore, il vaut mieux consulter. Dans la plupart des cas, heureuseme­nt, les parents sont soit comblés dans leurs attentes, soit suffisamme­nt souples sur le plan psychique pour s’adapter à la petite princesse qui leur échoit quand ils rêvaient d’un footballeu­r – ou inversemen­t. « Lorsqu’on m’a annoncé un garçon, j’en ai presque pleuré, raconte Marie. Aujourd’hui, j’en suis très heureuse, si heureuse que si je devais avoir un autre enfant, je voudrais bien un deuxième garçon ! »

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