Éducation Écrans. Y voir plus clair pour savoir quoi faire…
Nos enfants sont nés/naissent à l’ère du «tout numérique». Aujourd’hui, voir un petit bout d’à peine 2 ans faire défiler de façon «toute naturelle» des photos avec son petit doigt sur l’iPad de ses parents ne choque plus personne. Mais l’utilisation des écrans (télé, ordinateur, tablette, smartphone ou console de jeux) chez les enfants a toujours fait couler beaucoup d’encre… Grave, pas grave, néfaste, sans risque? Qu’en penser quand on apprend que, selon une étude de l’Inserm de septembre 2018, un enfant sur deux regarde déjà la télévision à 18 mois?
En avril 2019, un appel de l’Académie des Sciences, de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie des technologies est venu compléter un premier rapport**, publié en janvier 2013, de l’Académie des sciences sur le bon usage des écrans chez les enfants. Bon usage qui dépend de leur âge et de leur stade de développement cognitif. Que nous est-il dit?
Les tablettes, c’est oui mais…
Si l’on en croit la Haute Autorité, «dans un cadre d’éveil précoce, une tablette numérique interactive –à la fois visuelle et tactile – peut très bien participer au développement cognitif du bébé»*. Et entre 2 et 6 ans, « les écrans et outils numériques peuvent avoir, tout particulièrement durant la période de l’école maternelle, des usages pédagogiques positifs*». Ouf, nous voilà soulagés et déculpabilisés de laisser Arthur jouer avec notre iPad! Enfin… attention tout de même, parce que même si l’Académie dit vrai –les chercheurs sont partagés–, il ne suffit pas de coller Bébé devant un cartoon sur la tablette pour avoir la conscience tranquille. L’Académie parle là d’écrans interactifs, c’est-à-dire permettant une interaction, un réel échange entre le petit et ce qui l’occupe. On peut trouver cette interactivité dans de nombreuses applisjeux conçues pour les tout-petits mais aussi sur les tablettes éducatives qui leur sont spécialement destinées. Leurs programmes pourraient s’avérer des outils pédagogiques intéressants pour les premiers apprentissages: lecture, vocabulaire, dessin, coloriage, musique… mais avec papa/maman qui accompagne!
La télé, ça coince un peu plus…
Les spécialistes ont depuis longtemps dénoncé les méfaits de la télé. En 2018, la ministre de la Santé Agnès Buzyn les a rappelés à l’occasion des dix ans de la campagne du Conseil supérieur de l’audiovisuel : « Pas d’écran avant 3 ans. » L’exposition précoce aux écrans de télé (mais aussi vidéo, DVD) est dangereuse et déconseillée car, selon les spécialistes, elle engendre une passivité physique au détriment de l’expression corporelle. Le toucher, le concret, eux, permettent aux tout-petits de prendre plus facilement conscience du monde qui les entoure.
Mais là ne s’arrêtent pas les griefs: la télé a aussi tendance à les «absorber» en les «abreuvant» d’un flux continu d’images qu’ils «subissent»… D’où, ensuite, à l’âge préscolaire puis scolaire, des enfants avec des retards de langage, des difficultés de concentration, un imaginaire appauvri car «prérempli» de rêves préfabriqués… avec à la clé un risque de dépendance grandissant au petit écran qui viendrait combler un vide intérieur. Le risque de «surexposition chez l’enfant scotché à l’écran», cité par les chercheurs dans leur rapport, avec l’apparition de colères au moment du retrait, existe bel et bien. Sans parler du grignotage devant la télé, des troubles du sommeil et des effets pathologiques de la lumière sur la rétine…
Et pourtant on les laisse devant!
Et ce n’est pas un drame. Parce que, utilisée à bon escient, la télé n’a pas que du mauvais, au contraire. Nous aussi, nous avons passé des mercredis matins devant la télé, et on ne s’en porte pas plus mal aujourd’hui. Et de temps en temps, elle nous rend bien service : mettre l’aîné devant un dessin animé pendant que l’on donne le bain au petit dernier, c’est bien pratique. C’est ce que l’on fait… dans la vraie vie. Et les spécialistes reconnaissent les possibles apports de la télé: «La télé, c’est une vraie mine d’infos sur le monde réel, nos petits en apprennent tous les jours sur la vie des animaux, des plantes », explique le pédopsychiatre Claude Allard, coauteur d’un ouvrage sur
le sujet***. Et avec tous les programmes éducatifs et pédagogiques spécial bambins qui existent, nous, parents, on se sent rassurés. La télé, lorsque l’on en fait bon usage, ce peut être un peu comme un livre animé.
La vie, ça se construit aussi ailleurs que derrière un écran!
Même si la tablette semble l’écran le plus adapté à l’enfant, elle ne suffit pas à son développement moteur et sensoriel et à son épanouissement. Et vous, en tant que parents bien informés, vous savez que vous devez aussi lui proposer d’autres activités et jouer avec lui. L’interaction existe bel et bien entre l’enfant et son jeu mais rien ne remplace la relation directe, les échanges avec les copains et la famille. Votre minigeek a besoin de vous pour se fixer des limites.
C’est à partir de 2 ans que l’enfant commence à pouvoir se représenter un objet absent, entre 2 et 6 ans qu’il apprend progressivement la différence entre le réel et le virtuel (le «faire semblant»). C’est donc à cet âge que vous devez l’accompagner et l’éduquer à un usage modéré des écrans en y mettant des limites. Pour veiller à ne pas tomber dans l’usage à visée exclusivement «calmante», plus que récréatif ou utilitaire, redouté par les spécialistes.