RetRouveR le bonheuR d’appRendRe
Mais pourquoi l’école de la République échoue-t-elle à donner les mêmes chances à chacun ? Nombreuses sont les voix qui, comme Nathalie de Boisgrolier, à l’origine du manifeste Heureux à l’école, dénoncent les dégâts d’une vision descendante de l’éducation (où un maître déverse son savoir sur les élèves), incapable de reconnaître les potentiels de chaque enfant. Les signataires du manifeste plaident pour une école qui permette à chacun de s’épanouir, qui donne du sens aux apprentissages, qui transmette la confiance en soi, qui favorise l’autonomie et la responsabilité. Une école où il serait possible de pratiquer la méditation, où le rapport à la nature serait favorisé. L’explosion actuelle des écoles aux pédagogies alternatives (type Montessori, Freinet, etc.) – qui placent l’enfant au coeur des apprentissages – montre que cette aspiration est de plus en plus largement partagée par les parents. Un rêve ? Non. « Les outils pédagogiques existent et de nombreux acteurs de l’éducation sont déjà en train de bouger, affirme Nathalie de Boisgrolier. Le temps est à l’utilisation massive de ces approches respectueuses des individus, de leur rythme, de leur façon d’apprendre. »
les enfants, citoyens de demain
« Repenser l’éducation, c’est une nécessité », affirme en écho Thomas Blettery, directeur des actions autour de l’éducation chez Ashoka, une organisation internationale qui a pour but d’accélérer le changement social. Son objectif ? Faire émerger un monde où chacun serait capable d’agir pour répondre aux défis sociétaux. Egalité des chances, développement durable, exclusion, environnement, handicap… « Nous sommes dans un monde qui change très vite, qui devient de plus en plus complexe et incertain, avec une école qui a du mal à suivre les transformations, résume Thomas Blettery. Aujourd’hui, il faut repenser le système. L’école doit cultiver l’entraide et la coopération plutôt que de miser sur la compétition. Favoriser la prise d’initiative, développer la confiance en soi et l’empathie, apprendre aux enfants à gérer les conflits. » A vivre ensemble, en somme. Depuis cinq ans, Ashoka repère et apporte son soutien à des écoles (privées ou publiques, confessionnelles ou non) qui ont mis au coeur de leur pédagogie les valeurs qu’elle défend. De là est né un réseau, les changemakers schools – qu’on pourrait traduire par « les pionniers de l’école ». Une quinzaine d’écoles en France en font déjà partie. « Le cadre proposé aux enseignants ne leur permet pas de faire autre chose que d’évaluer la capacité des enfants à recracher des savoirs et ils le regrettent, assure Thomas Blettery. Beaucoup d’entre eux se sont pris en main et ont créé leur propre “cocon” d’innovation dans leur classe. » Mais qu’en disent les inspecteurs de l’Education nationale chargés de les évaluer ? « Beaucoup sont bienveillants et encouragent le changement », affirme Thomas Blettery. Le ministère n’est d’ailleurs pas si conservateur qu’on pourrait le croire. « Lui-même est à l’initiative d’expérimentations nationales et à l’affût d’actions innovantes », poursuit le jeune directeur. Il faut également savoir que, depuis 2005 et le droit à l’expérimentation pédagogique, les enseignants qui innovent peuvent être soutenus au niveau local par le ministère. Le grand changement, c’est parti ?