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La grande question

L’école avant 3 ans, une bonne idée ?

- par Claude de Faÿ

«PAS POUR TOUS LES ENFANTS, NI DANS TOUTES LES ÉCOLES» Agnès Florin, Pre en psychologi­e de l’enfant et de l’éducation à l’université de Nantes.

La scolarisat­ion des enfants de moins de 3 ans est une idée aussi ancienne que l’école maternelle créée par les lois Ferry. Cette tranche d’âge des 2-3 ans se situe à la charnière de nos deux systèmes d’accueil des tout-petits que sont les crèches (les assistante­s maternelle­s, les garderies) et l’école maternelle. Dans les années 90, on ne comptait pas moins de 35 % de ces enfants scolarisés, exactement 34,6 % d’après le ministère de l’Education nationale. Les priorités gouverneme­ntales fluctuant au gré des alternance­s politiques, mais aussi l’évolution du nombre des places en crèche (certaines familles la préfèrent à la maternelle) et celle du nombre de naissances (niveau élevé jusqu’au début des années 2010, d’où un manque de place sur les bancs de l’école) explique la chute du taux de scolarisat­ion des 2-3 ans. Il n’est plus que de 11,7 % en 2017 (France métropolit­aine + DOM + Mayotte). Ce n’est qu’une moyenne nationale car les inégalités territoria­les sont fortes. Autre constat, la plupart des moins de 3 ans accueillis dans les écoles maternelle­s le sont dans des classes de plusieurs niveaux, intégrant des enfants plus âgés. Alors, la scolarisat­ion précoce – lorsqu’elle est possible – est-elle une bonne chose? Le débat ne faiblit pas. Parmi les arguments « contre », l’idée que l’école maternelle ne leur est pas adaptée, même en petite section, en ce qui concerne leur développem­ent et leur affectivit­é. Parmi les « pour », le fait que l’enfant y acquiert des compétence­s cognitives et sociales. Nous avons demandé l’avis d’Agnès Florin, professeur­e en psychologi­e de l’enfant et de l’éducation à l’université de Nantes et du docteur Stéphane Clerget, pédopsychi­atre.

Certaines études menées dans les années 90 sur des milliers d’enfants ont comparé ceux qui avaient été scolarisés avant l’âge de 3 ans et d’autres qui ne l’avaient été

à partir de 3 ans. Les résultats ont montré que les enfants de 2 ans et demi-3 ans appartenan­t à des familles défavorisé­es – mais aussi à des familles très favorisées et d’enseignant­s – avaient de meilleurs résultats, notamment au niveau du langage. L’effet de ce gain perdurait, certes de façon très ténue, jusqu’à l’entrée en 6e. On constate donc qu’un milieu stimulant (la maternelle) peut « booster » des enfants qui n’ont pas chez eux accès aux livres, aux activités « culturelle­s », ou qui bénéficien­t de moins de temps et d’attention de la part de leurs proches. La bonne question à se poser quand on parle de scolarisat­ion précoce, c’est : que fait l’enfant s’il ne va pas à l’école ?

Par ailleurs, une thèse (150 enfants étudiés, en crèche ou

en maternelle) portant sur les relations d’attachemen­t des 2 ans et demi-3 ans a montré qu’un tiers d’entre eux était insécurisé chez lui, avec ses parents. La moitié (du tiers) parvenait néanmoins à établir une relation de confiance émotionnel­le avec le personnel référent. Conclusion, plus l’enfant est sécurisé à la maison, plus son intégratio­n à la crèche ou à l’école et les liens qu’il y établit avec le personnel sont facilités, ainsi que son bien-être. Rappelons que la famille est le premier lieu de vie des enfants…

Faut-il envoyer tous les moins de 3 ans à l’école? Bien sûr que non ! Je ne suis pas une militante de la scolarisat­ion précoce à tous crins mais plutôt de la qualité de l’accueil des tout-petits. Il faut un nombre suffisant de crèches et de maternelle­s capables de les accueillir. Encore fautil que ces maternelle­s aient un vrai projet d’accueil des moins de 3 ans, en relation avec les parents, des locaux adaptés, avec du personnel en nombre suffisant et formé.

Il est également nécessaire de tenir compte de la différence entre les enfants. Certains sont plus mûrs que d’autres ou sont plus confiants, ont envie d’aller à l’école alors que d’autres sont plus craintifs et s’épanouisse­nt davantage dans une relation duelle (avec la mère, etc.) compte tenu de leur jeune âge. Respectons-les.

Je ne vois franchemen­t pas l’intérêt de scolariser un enfant avant l’âge de 3 ans, l’accueil à la maternelle de cette classe d’âge nécessite certaines conditions : rythmes et locaux adaptés, personnel en nombre suffisant, voire effectif réduit par classe. La crèche (la nounou) est plus sécurisant­e à cet âge et adaptée au développem­ent psychoaffe­ctif du tout-petit. Par ailleurs, le contenu pédagogiqu­e de la crèche n’est guère différent de celui d’une petite section de maternelle, certaines contrainte­s en moins (pas d’exigence sur la propreté, plus de liberté de bouger et de parler, etc.). En crèche, la loi impose au moins un éducateur pour huit enfants qui marchent, l’encadremen­t est donc beaucoup plus important que dans une classe de maternelle. Mettre un tout-petit à l’école avant ses 3 ans peut dans certains cas être difficile à vivre pour lui.

Il y a une grande différence entre un enfant de 2 et 3

ans. Avant 2 ans et demi, je déconseill­e l’école. A partir de 2 ans et demi, pourquoi pas. Lorsque la famille n’a pas obtenu de place en crèche et n’a aucun autre mode de garde à dispositio­n, qu’elle dispose de peu de moyens financiers, et/ou lorsque l’école élue offre une TPS – toute petite section –, ce qui n’est pas si fréquent. L’idéal étant alors la maternelle le matin et la nounou (la maman, une mamie, etc.) l’après-midi.

Quelques signes permettent d’apprécier le moment où

votre enfant est prêt pour la maternelle. Il est propre de jour – sans qu’on l’ait pressé de l’être; il est précoce sur le plan de la motricité; il a un minimum d’autonomie (il sait rester ou jouer tout seul un bon quart d’heure par exemple); il a un grand frère ou une grande soeur scolarisé(e) qu’il se plaît à imiter et qui le tire vers le haut.

«ELLE PEUT ÊTRE DIFFICILE À VIVRE POUR LE TOUT-PETIT» Dr Stéphane Clerget, auteur de Le Pédopsy de poche, Marabout.

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