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Infertilit­é

Les nouvelles frontières

- Par Olivia Stigari et Claude de Faÿ

Chaque jour dans le monde, des équipes de recherche planchent sans relâche sur des nouvelles techniques afin d’améliorer le potentiel de fertilité des couples. Certaines pratiques posent des questions éthiques et juridiques, la rédaction s’est penchée sur trois d’entre elles. LA CORRECTION D’ADN

Un certain effroi avait saisi le monde entier à l'annonce de jumelles chinoises nées avec un ADN modifié par le Dr He Jiankui en novembre 2018. Lors du huitième congrès médical organisé à Majorque, en avril 2019, par IVIRMA – premier acteur privé et regroupeme­nt de cliniques consacrées à l'infertilit­é –, le Dr Dagan Wells, spécialisé dans le diagnostic préimplant­atoire (DPI) depuis de nombreuses années, revient sur la correction de l'ADN avec la méthode CRISPR Cas9, objet de ses recherches actuelles, qui est la même que celle adoptée par le médecin de Shenzhen. Cette méthode permet d'intervenir sur l'hélice de l'ADN d'un embryon au stade zygote (tout premier développem­ent de l'embryon avec une

seule cellule) et d'utiliser des sortes de « ciseaux » moléculair­es qui ciblent et retirent les gènes porteurs d'une maladie héréditair­e. Le Dr Dagan Wells explique que « si cette technique est sujette à de nombreuses controvers­es d'ordre éthique, elle permet néanmoins de pouvoir utiliser tous les embryons issus d'un couple, alors qu'aujourd'hui on est souvent obligé d'en écarter dès lors qu'un des deux membres du couple présente des anomalies génétiques ». Le chercheur souligne aussi que « le DPI luimême peut être problémati­que, car il peut manquer d'efficacité et de sécurité », vu les nombreuses pathologie­s possibles et non prédictive­s. La correction génétique serait alors une gageure pour les patientes avec un historique de plusieurs défaites dans les transferts d'embryon. « Il est plus facile de réparer des gènes dans un embryon au stade monocellul­aire, que de traiter un enfant ou un adulte composé de millions de cellules », ajoute-t-il. Enfin cela rendrait possible d'inclure plus de donneuses d'ovocytes, qui sont aujourd'hui laissées de côté, compte tenu de leurs éventuels gènes défectueux.

LA MIV OU MATURATION OVOCYTAIRE IN VITRO

La MIV ou maturation ovocytaire in vitro est une méthode de préservati­on de la fertilité. Grâce à elle, les équipes du Pr Grynberg et du Dr Sifer, spécialist­es de la reproducti­on, ont permis récemment et pour la première fois au monde à une femme atteinte de ménopause précoce d'accoucher de jumeaux. Celle-ci souffrait d'une insuffisan­ce ovarienne prématurée d'origine auto-immune. Ses quelques follicules et les ovocytes qu'ils contenaien­t étaient la cible de ses anticorps… Ils étaient voués à la destructio­n. La stimulatio­n ovarienne à visée de FIV ou de préservati­on de la fertilité n'était donc pas envisageab­le. Les ovocytes ont été ponctionné­s bien avant qu'ils ne soient matures et mis en culture en laboratoir­e vingt-quatre à quarante-huit heures. La suite est identique à une FIV classique : ils ont ensuite été fécondés avec le sperme du conjoint. Les embryons obtenus ont été vitrifiés avant d'être réimplanté­s dans l'utérus de la patiente. Certaines femmes ne peuvent pas avoir de stimulatio­n ovarienne parce qu'elles souffrent d'une insuffisan­ce ovarienne précoce d'origine auto-immune comme on vient de le voir, ou parce qu'elles sont atteintes de pathologie­s hormono-dépendante­s tel un cancer du sein ou de l'endomètre. Jusqu'alors, dans ces situations, on proposait à celles souhaitant un enfant un prélèvemen­t de tissu ovarien avant le début de la chimiothér­apie. Mais la chirurgie est relativeme­nt lourde et il y a toujours un risque que le tissu ne conserve des traces de la La MIV est donc une alternativ­e. Le pourcentag­e de réussite de grossesse est certes moins bon que lorsqu'il y a stimulatio­n ovarienne mais « c'est une solution quand il n'y en a pas d'autre envisageab­le », estime le Pr Grynberg. Les femmes infertiles, n'ayant pas préservé leurs gamètes ou après un échec de réimplanta­tion d'embryons, peuvent envisager un don d'ovocytes ou une adoption.

LA GREFFE, UN ESPOIR POUR LES FEMMES SANS UTÉRUS

La première greffe d'utérus a été réalisée en France le 31 mars par l'équipe du Pr Ayoubi, de l'hôpital Foch, à Suresnes. Cette greffe a été réalisée avec l'utérus d'une donneuse vivante, en l'occurrence la mère de la receveuse. Il faut qu'il y ait une proximité et une certaine compatibil­ité immunologi­que entre la donneuse (mère, soeur, tante, amie) et la receveuse pour que la greffe «prenne». Afin d'éviter tout chantage moral et économique, le don est non rétribué. Qui est susceptibl­e d'en recevoir une ? Les femmes nées sans utérus (1 sur 4 500), celles à qui on l'a ôté (à la suite d'un cancer, d'une hémorragie, etc.) ou qui souffrent du syndrome d'Asherman (présence d'adhérences entre les parois de l'utérus). Avant la greffe, une FIV a été réalisée. On s'est ainsi assuré que les ovocytes de la receveuse étaient suffisamme­nt nombreux et qu'ils pouvaient être fécondés. Entre six et douze mois après la greffe, les embryons congelés sont transférés dans son utérus. La naissance se déroule par césarienne programmée, l'accoucheme­nt par les voies naturelles n'étant pas recommalad­ie. mandé, car le recul sur le potentiel de contractib­ilité de l'utérus et la solidité des sutures n'est pas suffisant. La greffe d'utérus est une greffe provisoire. L'utérus n'est conservé chez la receveuse que lorsqu'elle a un projet de deuxième grossesse. Sinon, il est ôté pour éviter qu'il ne soit rejeté par son organisme d'autant que les traitement­s immunosupp­resseurs anti-rejet administré­s ont des effets secondaire­s.

La greffe d'utérus est une opération délicate. Plus de 25 équipes (Suède, Allemagne, Italie, etc.) dans le monde, dont celle du Dr César Diaz-Garcia de IVI Londres, travaillen­t sur ce type d'interventi­on. Déjà 52 greffes d'utérus ont été réalisées. Les Brésiliens ont annoncé il y a peu avoir réussi à obtenir une première naissance grâce à un don d'utérus d'une femme décédée. ✪

«La greffe d’utérus est une opération très délicate. Plus de 25 équipes dans le monde y travaillen­t.

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