Infertilité
Les nouvelles frontières
Chaque jour dans le monde, des équipes de recherche planchent sans relâche sur des nouvelles techniques afin d’améliorer le potentiel de fertilité des couples. Certaines pratiques posent des questions éthiques et juridiques, la rédaction s’est penchée sur trois d’entre elles. LA CORRECTION D’ADN
Un certain effroi avait saisi le monde entier à l'annonce de jumelles chinoises nées avec un ADN modifié par le Dr He Jiankui en novembre 2018. Lors du huitième congrès médical organisé à Majorque, en avril 2019, par IVIRMA – premier acteur privé et regroupement de cliniques consacrées à l'infertilité –, le Dr Dagan Wells, spécialisé dans le diagnostic préimplantatoire (DPI) depuis de nombreuses années, revient sur la correction de l'ADN avec la méthode CRISPR Cas9, objet de ses recherches actuelles, qui est la même que celle adoptée par le médecin de Shenzhen. Cette méthode permet d'intervenir sur l'hélice de l'ADN d'un embryon au stade zygote (tout premier développement de l'embryon avec une
seule cellule) et d'utiliser des sortes de « ciseaux » moléculaires qui ciblent et retirent les gènes porteurs d'une maladie héréditaire. Le Dr Dagan Wells explique que « si cette technique est sujette à de nombreuses controverses d'ordre éthique, elle permet néanmoins de pouvoir utiliser tous les embryons issus d'un couple, alors qu'aujourd'hui on est souvent obligé d'en écarter dès lors qu'un des deux membres du couple présente des anomalies génétiques ». Le chercheur souligne aussi que « le DPI luimême peut être problématique, car il peut manquer d'efficacité et de sécurité », vu les nombreuses pathologies possibles et non prédictives. La correction génétique serait alors une gageure pour les patientes avec un historique de plusieurs défaites dans les transferts d'embryon. « Il est plus facile de réparer des gènes dans un embryon au stade monocellulaire, que de traiter un enfant ou un adulte composé de millions de cellules », ajoute-t-il. Enfin cela rendrait possible d'inclure plus de donneuses d'ovocytes, qui sont aujourd'hui laissées de côté, compte tenu de leurs éventuels gènes défectueux.
LA MIV OU MATURATION OVOCYTAIRE IN VITRO
La MIV ou maturation ovocytaire in vitro est une méthode de préservation de la fertilité. Grâce à elle, les équipes du Pr Grynberg et du Dr Sifer, spécialistes de la reproduction, ont permis récemment et pour la première fois au monde à une femme atteinte de ménopause précoce d'accoucher de jumeaux. Celle-ci souffrait d'une insuffisance ovarienne prématurée d'origine auto-immune. Ses quelques follicules et les ovocytes qu'ils contenaient étaient la cible de ses anticorps… Ils étaient voués à la destruction. La stimulation ovarienne à visée de FIV ou de préservation de la fertilité n'était donc pas envisageable. Les ovocytes ont été ponctionnés bien avant qu'ils ne soient matures et mis en culture en laboratoire vingt-quatre à quarante-huit heures. La suite est identique à une FIV classique : ils ont ensuite été fécondés avec le sperme du conjoint. Les embryons obtenus ont été vitrifiés avant d'être réimplantés dans l'utérus de la patiente. Certaines femmes ne peuvent pas avoir de stimulation ovarienne parce qu'elles souffrent d'une insuffisance ovarienne précoce d'origine auto-immune comme on vient de le voir, ou parce qu'elles sont atteintes de pathologies hormono-dépendantes tel un cancer du sein ou de l'endomètre. Jusqu'alors, dans ces situations, on proposait à celles souhaitant un enfant un prélèvement de tissu ovarien avant le début de la chimiothérapie. Mais la chirurgie est relativement lourde et il y a toujours un risque que le tissu ne conserve des traces de la La MIV est donc une alternative. Le pourcentage de réussite de grossesse est certes moins bon que lorsqu'il y a stimulation ovarienne mais « c'est une solution quand il n'y en a pas d'autre envisageable », estime le Pr Grynberg. Les femmes infertiles, n'ayant pas préservé leurs gamètes ou après un échec de réimplantation d'embryons, peuvent envisager un don d'ovocytes ou une adoption.
LA GREFFE, UN ESPOIR POUR LES FEMMES SANS UTÉRUS
La première greffe d'utérus a été réalisée en France le 31 mars par l'équipe du Pr Ayoubi, de l'hôpital Foch, à Suresnes. Cette greffe a été réalisée avec l'utérus d'une donneuse vivante, en l'occurrence la mère de la receveuse. Il faut qu'il y ait une proximité et une certaine compatibilité immunologique entre la donneuse (mère, soeur, tante, amie) et la receveuse pour que la greffe «prenne». Afin d'éviter tout chantage moral et économique, le don est non rétribué. Qui est susceptible d'en recevoir une ? Les femmes nées sans utérus (1 sur 4 500), celles à qui on l'a ôté (à la suite d'un cancer, d'une hémorragie, etc.) ou qui souffrent du syndrome d'Asherman (présence d'adhérences entre les parois de l'utérus). Avant la greffe, une FIV a été réalisée. On s'est ainsi assuré que les ovocytes de la receveuse étaient suffisamment nombreux et qu'ils pouvaient être fécondés. Entre six et douze mois après la greffe, les embryons congelés sont transférés dans son utérus. La naissance se déroule par césarienne programmée, l'accouchement par les voies naturelles n'étant pas recommaladie. mandé, car le recul sur le potentiel de contractibilité de l'utérus et la solidité des sutures n'est pas suffisant. La greffe d'utérus est une greffe provisoire. L'utérus n'est conservé chez la receveuse que lorsqu'elle a un projet de deuxième grossesse. Sinon, il est ôté pour éviter qu'il ne soit rejeté par son organisme d'autant que les traitements immunosuppresseurs anti-rejet administrés ont des effets secondaires.
La greffe d'utérus est une opération délicate. Plus de 25 équipes (Suède, Allemagne, Italie, etc.) dans le monde, dont celle du Dr César Diaz-Garcia de IVI Londres, travaillent sur ce type d'intervention. Déjà 52 greffes d'utérus ont été réalisées. Les Brésiliens ont annoncé il y a peu avoir réussi à obtenir une première naissance grâce à un don d'utérus d'une femme décédée. ✪
«La greffe d’utérus est une opération très délicate. Plus de 25 équipes dans le monde y travaillent.