La grande question
Connaître le sexe de son futur bébé, une bonne idée ?
La deuxième échographie de grossesse est attendue avec beaucoup d’impatience par les futurs parents. En effet, c’est vers 22 semaines d’aménorrhée (parfois avant) que le sexe du foetus est bien visible à l’échographie et qu’il peut leur être révélé. Selon l’enquête longitudinale Elfe démarrée en 2011 et menée sur plus de 15 000 femmes et 12000 hommes parents, plus de 85 % d’entre eux veulent connaître le sexe de leur enfant lors des échographies. Anodine ou pas, l’annonce faite aux futurs père et mère ? Pas tant que ça ! Ysaure l’a vécu à ses dépens. Elle a voulu savoir le sexe de son bébé sans vraiment se poser la question du pourquoi, claironnant à qui voulait l’entendre : «Fille ou garçon, tout me va, je serai aux anges!» Or, l’information qu’elle était enceinte d’une fille l’a carrément chamboulée, faisant surgir des inquiétudes auxquelles elle n’avait pas pensé. Parfois, l’échographie peut être vécue de façon assez « douloureuse » lorsque les futurs parents, déjà pourvus de deux fillettes à la maison, apprennent que le sexe espéré n’est pas au rendez-vous. Souvent, heureusement, ce n’est que du bonheur! Mais ce genre de préoccupation parentale – « Alors, Docteur, c’est une fille ou un garçon?» – indispose parfois certains échographistes, qui considèrent qu’une consultation d’échographie est avant tout… une consultation médicale destinée à s’assurer que la grossesse évolue comme il se devrait. A tel point que certains taisent l’information et ne la divulgent qu’à la fin de l’examen, histoire de ne pas perturber son déroulement. Et de s’agacer sur les parents qui envoient des textos (voire téléphonent!) au cours de l’examen pour faire part de la bonne nouvelle à leurs proches. Ils passent à côté de l’essentiel: la santé de leur bébé. Alors, vaut-il mieux ou pas connaître le sexe de son bébé avant sa naissance? Nous avons posé la question à deux psychologues cliniciennes : Séverine Dagand, spécialisée en périnatalité, et Caroline Lambert, auteure de Maman sereine (First éditions).
« ON PROJETTE SUR L’ENFANT SES DÉSIRS INCONSCIENTS » Séverine Dagand, psychologue clinicienne
Je dirai que ce n’est ni une bonne ni une mauvaise idée ! Il n’y a aucune règle, c’est aux parents de se déterminer. Le bon choix est donc de se laisser aller à son désir… à l’entourage de s’y plier. Vouloir savoir afin de pouvoir décorer la chambre ou acheter la layette adéquate ; par curiosité ou pour personnifier le foetus et partager sa joie en
famille, pourquoi pas? Refuser de savoir pour faire flamber son imagination et ses rêves, se voir tour à tour parent d’une fille ou d’un garçon et garder la surprise intacte le jour de l’accouchement… parfait ! En réalité, la pratique de l’échographie n’a rien changé: bien avant qu’elle ne soit largement répandue, chacun tentait de deviner le sexe de l’enfant à venir, certains s’essayant au pendule au-dessus du ventre de la future mère…
Les futurs parents projettent sur le bébé à venir, bien au-delà de son sexe masculin ou féminin, tous leurs désirs inconscients. «Il» sera entreprenant et bon vivant comme son père, « elle » sera une artiste accomplie comme sa grand-mère. Cela entre en résonance avec leur histoire passée, leur rang dans la fratrie, leurs relations avec leurs parents, leur culture, leur milieu d’origine. En effet, on peut craindre d’avoir une fille parce qu’on est en guerre permanente avec sa propre mère ou parce qu’on est le numéro 3 d’une fratrie – comme le futur bébé le sera – et que cela ne nous rappelle pas que de bons souvenirs! A l’inverse, on peut vouloir très fort un garçon pour faire plaisir à son propre père, s’assurer qu’on est capable de fabriquer un mâle ou tout simplement respecter les traditions familiales. Dans ces cas-là, connaître le sexe de l’enfant à venir pour s’éviter une trop grande déception à la naissance et pouvoir investir l’autre sexe afin de mieux accueillir le nouveau-né est préférable. Lorsque les parents sont déstabilisés par l’annonce du sexe de leur enfant, quel que soit le moment, se faire accompagner par un professionnel de la maternité est toujours bénéfique.
« LE SAVOIR PERMET DE S’INVESTIR DANS LA GROSSESSE »
Caroline Lambert, psychologue clinicienne
Je n’ai pas d’avis tranché sur la question, c’est une question individuelle. Il me semble que les couples qui ne tiennent pas plus que ça à connaître le sexe du foetus ont peut-être plus de souplesse psychique que les autres et/ou moins de questionnements et « d’inquiétudes » à accueillir leur enfant. Parce qu’ils sont «au clair» avec eux-mêmes? Peut-être. Mais tous, quels qu’ils soient, projettent sur l’enfant à venir leurs souhaits, leurs craintes, leurs fantasmes, leur histoire passée…
Savoir si on attend une fille ou un garçon permet à certains de s’investir plus facilement dans la grossesse. Décider de la décoration d’une chambre, choisir un prénom et des petits vêtements de fille ou de garçon n’est pas si «accessoire» que ça en a l’air. Cela fait aussi partie du cheminement psychique et de la maturation plus ou moins rapide de tout(e) futur(e) père ou mère. Chacun son rythme.
Lorsqu’il y a désaccord – l’un veut savoir et l’autre pas – je pencherais volontiers pour que le voile soit levé au sein du couple. Il est probable que ceux désirant connaître le sexe de l’enfant en ont besoin pour entrer dans la maternité (paternité), s’investir, faire une place au bébé à venir. Je pense notamment aux couples qui attendent leur premier enfant (tout est nouveau!) et aux hommes qui ne portent pas l’enfant dans leur ventre, ce qui rend la grossesse moins concrète.