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La grande question

L’argent de poche, lui en donner ou pas ?

- Par Dominique Henry

En matière d'argent de poche, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre: 43 % des parents en donnent, selon un sondage réalisé récemment pour la banque Fortuneo. Une proportion qui tombe à 6 % lorsque les enfants ont entre 4 et 6 ans, nous apprend l'enquête réalisée par Junior City en 2018 auprès de 1008 mamans. Mais combien les chers petits reçoivent-ils ? Toujours selon Junior City, la moyenne s'établit aux alentours de 13 € par mois pour les 4-6 ans, 15 € pour les 7-10 ans et 21 € pour les 11-14 ans. Sans surprise : plus l'enfant grandit, plus l'enveloppe est grosse. « On peut d'ailleurs en faire un instrument d'égalité dans la fratrie, observe la psychologu­e Anne Bacus. On établit un barème par âge: 50 centimes à 5 ans, 12 € à 8 ans, 20 € à 12 ans par exemple. Ainsi l'aîné est favorisé mais les petits ne sont pas dévalorisé­s : à âge égal, tout le monde reçoit la même chose. » Reste à trancher la question de fond : faut-il ou non remplir la tirelire de votre enfant ? Et si oui, à partir de quel âge? L'avis de nos deux spécialist­es.

Nous vivons dans un monde où l’argent occupe une place centrale. Il est donc intéressan­t de donner un peu d'argent de poche à son enfant. Ça lui permet de comprendre que l'argent ne sort pas de nulle part (ou du distribute­ur) et qu'il ne coule pas à flots. Année après année, l'enfant va apprendre à faire bon usage de son petit pécule et à le gérer.

L’âge idéal ? Vers 7 ans, quand il commence à compter. Les opérations en euros et en cents font d'ailleurs partie du programme de maths. Demandez à votre enfant de vous échanger deux pièces de 50 centimes contre une pièce de 1 euro. Ou de vous faire de la monnaie sur 2 euros. C'est quand même plus drôle d'apprendre à compter avec de vraies pièces !

Posséder un petit pécule, ça permet de comprendre que les choses ont un prix et de repérer ce qui est cher ou ce qui est à sa portée. On ne peut pas tout avoir, et encore moins tout de suite. Les parents peuvent aider à cette prise de conscience en expliquant : « Pour acheter ce jeu, il va falloir que tu économises pendant trois semaines. Ou alors je peux t'avancer la somme qui te manque mais, dans

L’ÉDUCATION À L’ARGENT FAIT PARTIE DE L’ÉDUCATION

Anne Bacus, psychologu­e

ce cas, il faudra que tu rembourses: tu n'auras pas donc d'argent de poche pendant les trois prochaines semaines.»

Par définition, l’argent de poche appartient à l’enfant. Il doit être libre d'en faire ce qu'il veut. Néanmoins, plus la somme devient importante et mieux on définit ce qu'il est censé payer avec. « Si tu veux ce jeu vidéo, si tu as envie d'aller au cinéma, si tu veux acheter ce paquet de bonbons, c'est toi qui te l'offres.»

On ne rémunère pas les petites tâches quotidienn­es (mettre la table, aider à ranger les courses) mais on peut rémunérer un travail exceptionn­el: «Ce week-end, on ramasse les feuilles mortes, si tu nous donnes un coup de main tu auras une petite pièce. » On ne fixe pas non plus de barème pour les bonnes notes mais on peut récompense­r une réussite particuliè­re. Il avait du mal avec les soustracti­ons, il maîtrise maintenant le problème, on peut lui donner un peu d'argent pour s'offrir quelque chose dont il avait envie.

Vers 5-6 ans, un enfant ne fait pas la différence entre 10 centimes, 50 centimes, 1 € ou 10 €. Ça permet d'acheter quelque chose, mais quoi? Pour familiaris­er les petits avec l'argent, il est plus malin de leur donner des sous pour payer la baguette chez la boulangère plutôt que de l'argent de poche en tant que tel. Vers 7-8 ans, en revanche, lorsqu'ils commencent à manier les chiffres et les opérations, on peut s'appuyer sur l'argent de poche pour leur apprendre à compter et à mesurer la valeur de l'argent.

Pour aider un enfant à prendre conscience de la valeur des choses, il y a plus éducatif que de simplement lui donner de l'argent de poche : lui expliquer combien on gagne, quelles sont les dépenses fixes de la famille, combien il reste pour vivre. Avec ce reste, qu'est-ce qu'on fait? On s'offre des petits plaisirs? On économise pour des vacances? On en met de côté? On peut en discuter en famille. Et discuter aussi de combien il recevra pour ses menues dépenses. De cette façon, l'argent de poche s'inscrit dans une réalité.

Certes l’enfant choisit ce qu’il veut faire avec cette somme. Mais cet argent, c'est vous qui l'avez gagné pour lui. Alors on en discute. Il a envie de ce cartable à la mode ? S'il y tient, d'accord. Mais ce cartable, ils seront au moins trois ou quatre à l'avoir dans la classe. Est-ce vraiment ce qu'il veut ? A-t-il envie de ressembler à tout le monde ? Sans le contraindr­e, on l'aide à réfléchir. Et si l'achat qu'il envisage est vraiment mauvais pour lui, on met carrément un veto : un paquet de bonbons d'accord, trois sûrement pas !

Quant à rémunérer les services rendus à l'intérieur de la famille, ça me gêne beaucoup. Ce n'est pas sain. L'enfant ne fait plus les choses pour le plaisir de rendre service ou pour participer à la vie familiale, il les fait parce qu'il attend quelque chose en retour. De même, on ne rémunère pas les bonnes notes. La récompense est contenue dans la note : c'est la satisfacti­on et la fierté que l'enfant en retire. ✪

A 5-6 ANS, L’ARGENT N’A AUCUN SENS POUR LUI

Anne Gatecel, psychologu­e

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