faire des enfants la planète?
des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétales». Ils nous conseillaient donc de «réexaminer nos comportements individuels, y compris en limitant notre propre reproduction (l'idéal étant de s'en tenir au maximum au niveau de renouvellement de la population) ».
LA TENDANCE « SANS ENFANT »
A l'heure actuelle, nous sommes 7,7 milliards d'habitants sur Terre. Un récent rapport de l'ONU envisage deux à trois milliards d'habitants supplémentaires d'ici à 2050. Ralentir ou stopper notre reproduction, estce donc vraiment le combat green par excellence ? Cette hypothèse ne pourrait se vérifier que si elle était suivie par un très grand nombre. Mais de façon réaliste, il est en effet difficile d'envisager qu'une part significative de la population renonce à avoir des enfants. On ne parle plus ici d'un geste anodin comme prendre une douche au lieu d'un bain ou trier le carton et le verre, mais d'un geste extrêmement contraignant : ne pas avoir d'enfant, c'est-à-dire renoncer à une facette centrale de notre vision de la vie, la reproduction, «naturellement» inscrite dans notre patrimoine génétique.
Certaines personnes prennent pourtant ces considérations au mot et décident de ne pas avoir d'enfants, par conscience écologique. Baptisée « childfree », « SEnVol » ou encore «Ginks», cette tendance fait parler d'elle. Le premier dimanche de juin est ainsi devenu «la journée internationale des sans enfant », date retenue en l'honneur de Leslie Lafayette, fondatrice du premier réseau de «libre d'enfant», en 1992, en Californie. «Nous vivons déjà au-dessus de nos moyens, la Terre ne produit pas assez de ressources pour notre mode de consommation et avoir un enfant augmenterait qui plus est les émissions de gaz à effet de serre. Cela fait suite à mes nombreux engagements en ce sens, qui visent à repenser notre manière de consommer », explique ainsi Léa, jeune femme de 28 ans, qui a fait le choix de ne pas avoir d'enfant.
Les personnes comme Léa restent cependant une minorité : si 12 % des Français n'auront pas d'enfants, toutes raisons confondues, comme l'infertilité par exemple, ils seraient moins de 5 % à en faire la démarche volontaire, d'après la dernière grande étude de l'Ined (Institut national de la démographie) à ce sujet, en 2014. Un chiffre quasiment stable depuis trente ans, ce qui montre bien que, dans les faits, cette tendance ne trouve pas plus d'adeptes maintenant que les questions écologiques
sont quotidiennement évoquées.
ARRÊTER D’AVOIR DES ENFANTS, LA MAUVAISE SOLUTION ?
Parents de plusieurs enfants, il ne faut pas commencer à culpabiliser tout de suite pour autant. Ce choix radical n'est pas forcément la réponse ultime à la crise écologique, quand on sait par exemple que les États-Unis ou encore la Chine sont les plus gros pollueurs alors que leur taux de natalité fait partie des plus faibles au monde. Si plusieurs voix abondent ainsi dans le sens d'une natalité à neutraliser, d'autres experts et analystes contemporains estiment qu'il s'agit d'une fausse bonne idée. « On sait que ce sont les pays occidentaux qui font le moins d'enfants et qui polluent le plus, alors que les pays en voie de développement, qui ont beaucoup d'enfants, ne sont que peu responsables de l'état actuel du désastre écologique », s'insurge Marianne Durano, philosophe. Effectivement, un bébé français moyen émettra jusqu'à 150 fois plus de CO2 qu'un enfant né en Éthiopie.
Même son de cloche chez Gilles Pison, chercheur à l'Ined. Pour ce spécialiste, il est tout d'abord illusoire de croire que l'on peut agir sur le nombre de naissances à court terme. D'après lui, « l'Humanité n'échappera pas à un surcroît de 2 à 3 milliards d'habitants d'ici 2050 ». La raison est toute simple: la population mondiale comporte une forte proportion de jeunes adultes en âge d'avoir des enfants et, parallèlement, les décès sont bien inférieurs aux naissances. Qui plus est, la plupart des sociétés ont déjà entamé une transition démographique en ce sens : sur l'ensemble de la planète, on compte aujourd'hui en moyenne 2,5 enfants par femme, soit deux fois moins qu'il y a cinquante ans. D'après lui, il est possible d'agir sur les modes de vie et de consommation… plutôt que sur le nombre de vies.✪