Une lignée de guides à Saint-Gervais
Que vous a appris la montagne? Pascal Chapelland. Dans nos vallées alpines, le mot « montagne » n’est pas un lieu, ni un environnement, ni un sport, ni une caractéristique géographique, mais simplement un mode de vie. Julien Pelloux. C’est un mode de vie et une culture. Elle représente une identité, notre héritage et notre avenir. La pratique de la montagne m’a permis d’apprendre le respect et l’humilité face à la nature car c’est toujours elle qui a le dernier mot !
Le métier de guide a-t-il évolué? P. C. L’évolution des modes de vie, des pratiques commerciales, des comportements et du matériel ont complètement modifié l’approche de notre activité. Aujourd’hui, la clientèle n’a plus le temps de développer une connaissance de la montagne et est souvent très consommatrice, comparée à celle des années 1950. Notre rôle n’a pas changé : nous continuons à faire découvrir notre espace, notre culture locale et surtout nous partageons avec nos clients cette capacité à sortir de sa zone de confort pour mieux découvrir et partager. J. P. Le métier de guide a beaucoup évolué depuis les pionniers du XVIIIe siècle. Autrefois complément d’activité à la vie agropastorale, on peut depuis 1975 être guide à l’année. À l’origine, le métier est très corporatiste avec la naissance de la Compagnie de Guide historique, comme à Chamonix en 1821 et à Saint-Gervais en 1864, premières structures du métier avec des guides tous originaires de leur vallée. Depuis 1975, le métier s’est ouvert aux « étrangers » venus de toute la France. On peut dire que la pratique a évolué, comme les techniques et la clientèle, mais le coeur et l’esprit du métier restent les mêmes. C’est avant tout un moment de partage en montagne et de gestion de la sécurité à toutes les époques. Le bon guide, c’est toujours celui qui ramène ses clients vivants dans la vallée!
Qu’attend-on d’un guide de montagne aujourd’hui? P. C. Mes clients, qui deviennent toujours des amis, souhaitent majoritairement apprendre à connaître la montagne. J. P. Les clients attendent d’un guide qu’il leur permette de sortir de leur vie urbaine en vivant une aventure en montagne. Le plus beau moment pour un guide, c’est de vivre avec eux une expérience qu’ils ne pensaient pas être capables de vivre. La présence permanente des guides dans les massifs permet de sensibiliser la clientèle aux changements climatiques et à l’évolution de la montagne avec les risques que cela implique sur la progression et l’évolution de la pratique. La montagne et la nature sont toujours en mouvement, naturellement ou à cause des hommes.
Comment vivez-vous ces changements? P. C. Nous devons être perpétuellement dans l’adaptation et la flexibilité. C’est l’essence même de notre métier, c’est ce que nous faisons tous les jours avec nos clients en fonction de leur forme physique, de leur pratique, et des conditions météorologiques. J. P. La fonte des glaciers et la fragilisation des massifs se sont accrues, ce qui a une forte incidence sur les risques du métier mais aussi sur les itinéraires. Par exemple, dans la vallée de Saint-Gervais, le chemin d’accès au Refuge des Conscrits a été modifié à cause de la disparition du glacier de Tré la Tête…
Que représente la transmission familiale dans votre métier? P. C. Ce n’est pas un acte délibéré et réfléchi, c’est une vocation née durant l’enfance avec une vraie admiration pour mon père, guide lui aussi, ainsi que mon grand-père. J. P. La transmission est une valeur essentielle des Compagnies des Guides. On appartient avant tout à une Compagnie ! Autrefois, les aspirants guides étaient sous la responsabilité d’un guide qui leur apprenait les ficelles du métier. Aujourd’hui, chaque guide en formation a un tuteur. Le métier de guide et la gestion des risques en montagne reposent sur la connaissance, la pratique et l’expérience. Il est donc vital pour la sécurité que les anciens partagent leur expérience avec les plus jeunes. Le partage, l’amour de la montagne et la fierté montagnarde donnent naissance à de vraies familles de guides. Pascal Chapelland et moi sommes descendants de la famille de guides de Saint-Gervais, les Orset. La plus grande, les Broisat, compte 12 guides en quatre générations. guides-mont-blanc.com