VENU DU FROID
Le photographe Christophe Jacrot fixe l’éternité gelée des espaces du Grand Nord.
Après Paris sous la pluie ou Manhattan dans la nuit, le photographe et réalisateur Christophe Jacrot arpente les grands espaces neigeux de Sibérie, du Groenland, du Québec, cherchant à fixer leur éternité gelée. Toute cette beauté va-t-elle durer, semblent interroger ses images de glace...
Du Canada au Groenland, de la Norvège à la Sibérie, partout la neige recouvre de sa blancheur villes et villages, maisons solitaires et vastes étendues. Un voyage envoûtant, nimbé de mystère, pour témoigner de la beauté du Grand Nord.
Depuis que, réalisateur de plusieurs courtsmétrages et d’un film, Prison à domicile en 1999 avec le regretté Élie Kakou, Christophe Jacrot s’est remis à la photo il y a dix ans, il n’a cessé de traquer mauvais temps et grand froid. «Un hasard... Un guide touristique m’avait commandé des images de Paris en plein soleil mais la météo était pourrie ! J’ai alors fait des photos de Paris sous la pluie , ce qui a donné lieu à la publication de mon premier livre, aux éditions du Chêne ». Des images à la dramaturgie intense, suivies d’autres réalisées dans les mêmes conditions à Tokyo, Londres, Lisbonne... pour son livre Météores (éditions h’artpon), puis pour Snjór et les hivers extrêmes d’Islande, ou New-York in black montrant Manhattan plongée dans le noir après le passage de l’ouragan Sandy. Librement, le photographe choisit les lieux les plus hostiles, par des températures allant jusqu’à -32°.«Bien couvert, je me sens mieux en dessous de zéro qu’au-dessus de 30°», confie cet aventurier aux origines slaves et dont la femme russe déteste pourtant le froid! Chaque voyage d’une semaine environ se prépare sur Internet mais reste une découverte qu’il renouvelle plusieurs fois. «En dessous de zéro», sa nouvelle exposition parisienne*, nous entraîne dans un tour du monde des tempêtes de neige. Il nous dévoile Norilsk en Sibérie, cité minière construite sous Staline à 200 kilomètres au nord du cercle arctique, l’une des plus froides du monde, interdite aux étrangers, où souffle un vent glacial. Ou encore Hokkaido, île du nord du Japon sans cesse enneigée, Tasiilaq au Groenland sur l’île d’Ammassalik près du cercle polaire, l’île de la Madeleine dans les eaux gelées du golfe du Saint-Laurent, la péninsule de Snaefellsnes à l’ouest de l’Islande à l’hiver sans fin... De retour dans sa maison de la Drôme, Christophe songe déjà à ses prochaines destinations : Moscou, Saint-Pétersbourg, la Norvège, la Laponie, la Sibérie peut-être ? «Le numérique facilite le travail en conditions extrêmes et par très basses lumières. Mais les hivers deviennent de plus en plus courts, des habitations sont évacuées à cause de la fonte du permafrost (sol gelé). Je suis désespéré par l’attitude des gouvernements vis-à-vis de l’environnement... » L’été prochain, il ira saisir les montagnes de la Chine et de l’Inde durant la mousson. En précieux témoin de l’évolution de la planète autant qu’en magicien de clichés inouïs. *Jusqu’au 5 janvier 2019, Galerie de l’Europe 55, rue de Seine 75006 Paris. Tél. 01 55 42 94 23.