PROFESSION CHEF DE CAVE
Dans une Champagne où le métier de chef de cave se conjugue très largement au masculin, Caroline Latrive a réussi à se faire une place à l’ombre des crayères. Et dans la lumière d’Ayala, dont elle a largement contribué à redéfinir le style. Portrait.
Caroline Latrive redéfinit le style des champagnes Ayala.
CAROLINE LATRIVE, CHEF DE CAVE CHAMPAGNE AYALA
Ayala a aujourd’hui retrouvé le sourire. Celui de sa chef de cave, Caroline Latrive, pour commencer. Après avoir obtenu son diplôme d’oenologue, en 1999, cette pure Champenoise rejoint Bollinger, à Ay. Plongée au coeur d’une maison historique (fondée en 1829), la jeune femme découvre l’alchimie de l’élaboration du champagne. « L’art de l’assemblage ne s’improvise pas, explique l’une des rares femmes chef de cave dans la région. Il faut faire preuve d’une exigence de tous les instants. » Lors du rachat d’Ayala par Bollinger, au milieu des années 2000, la voilà qui participe à la redéfinition du style des vins de cette marque devenue bien discrète après avoir expédié autrefois plus d’un million de bouteilles par an. Depuis son arrivée, l’entreprenante oenologue a obtenu l’installation de cuves thermorégulées pour mieux maîtriser la température lors de la fermentation. Cette modernisation de l’outil est à l’image du renouvellement que la direction souhaite instaurer. Dans la bouteille, Caroline a donné une orientation très chardonnay, sans doute pour marquer la différence avec la maison mère, très portée sur le pinot noir. « J’aime travailler la finesse du chardonnay », confie la Rémoise. La gamme est recentrée sur cinq cuvées, où le roi des cépages blancs règne à plus de 40 % et les dosages revus à la baisse afin de mieux coller au goût actuel des consommateurs, moins fervents de sucre que par le passé. Les vins y ont gagné en dynamisme et en netteté, à l’image du Brut Nature, symbole de cette renaissance et illustration de la capacité de la maison à réaliser de grands vins sans artifice ultime. Comme souvent en Champagne, il a fallu attendre quelques années, le temps du mûrissement en cave, que les changements profonds se manifestent en surface, et dans le verre. C’est dorénavant aussi éclatant que la fraîcheur distillée par le fin cordon de bulles. Désormais gardienne d’un style, aérien et puissant, qu’elle a largement contribué à créer, Caroline Latrive estime ne pas avoir encore atteint pleinement son objectif. Lui restent à parfaire« une foule de détails, ces petits réglages de tous les instants... » Avec bonne humeur.
LE DISCOURS DE LA MÉTHODE
La méthode champenoise donne l’effervescence au vin tranquille. Passés la première fermentation alcoolique en cuve, l’assemblage des différents vins par le chef de cave et le tirage en bouteille, débute la prise de mousse. Elle consiste à ajouter du sucre et des ferments (appelée la liqueur de tirage) pour déclencher une seconde fermentation, dans les bouteilles cette fois, scellées par une capsule ou un bouchon et une agrafe. Le gaz carbonique ainsi créé se dissout dans le vin. La bulle n’existe pas encore, mais la pression monte dans le flacon. Dans l’obscurité et la fraîcheur des crayères, le champagne est stocké allongé, quinze mois minimum et «sur lies», car le levain meurt peu à peu. De cette transformation chimique qu’est l’autolyse, naissent la complexité aromatique et la finesse de mousse du vin. Le remuage des bouteilles, col en bas, permet de concentrer les levures mortes près du goulot et de clarifier le vin. Suit le dégorgement, une fois le goulot gelé, afin d’évacuer le dépôt par un débouchage rapide. Vient le dosage (ou non) à l’aide d’une liqueur dite «d’expédition», composée de sucre et de vieux vins, qui compense le liquide perdu lors du dégorgement. Selon la dose de sucre par litre, le champagne sera classé extra brut (de 0 à 6 g), brut (moins de 12 g), extra dry (12-17 g), sec (1832 g), demi-sec (33-50 g) ou doux (plus de 50 g).