étape N°2 En Touraine
ATELIER CALDER : L’ANTRE D’UN GÉANT
L’Indre se jette dans la Loire ; remontez la rivière jusqu’à Saché. Vous ne remarquez rien d’anormal ? Oui, un stabile de métal rouge et bleu, inhabituel dans un village balzacien. Mais c’est ici que le grand Sandy, Alexander Calder himself, passa le plus clair de son temps à partir de 1953, non loin de sa fonderie (Biémont, à Tours). Il y bâtit un immense et lumineux atelier, puis une maison, ouverte aux amis – Salinger, Arthur Miller, Jean Prouvé –, et aux voisins. La Fondation Calder a confié l’ensemble au ministère de la Culture pour qu’il en fasse un lieu de création vivante. Chaque année, deux à trois artistes s’offrent le luxe inouï de travailler dans l’atelier de Calder et de vivre chez lui. Certes, il n’y a plus son fouillis de mobiles, de tapis… Les Léger et les Miró qui étaient au mur sont partis, mais l’atelier ouvre sur la vallée et le quai de déchargement où les maquettes et certaines oeuvres brutes de fonderie étaient montées, testées… La magie opère toujours et des visites d’atelier sont prévues avec l’artiste en résidence (Bill Jenkins jusqu’en décembre).
CCC OD : CRÉATION TOUS AZIMUTS !
Le CCC OD, centre d’art de Tours depuis 1984, a ouvert au public cette année nanti d’une belle donation d’Olivier Debré et d’une nouvelle boîte en verre et pierre de Tercé, imaginée par l’agence portugaise Aires Mateus. Cet été, reflété dans la Chambre d’huile de Per Barclay, il semblait flotter. Envie de marcher sur la surface lisse et noire. Mauvaise idée ! Mais il fallait enfiler des bottes (voire des Moon Boots) pour suivre Olivier Debré, des bords de Loire à la Norvège, autre terre d’élection et d’expérimentation, dont il aimait les îles, la neige et les églises en bois debout. Cet automne, changement de décor : cap sur Düsseldorf, avec Klaus Rinke qui réactivera son
Instrumentarium présenté à Beaubourg en 1985, cette fois avec l’eau de la Loire (et d’autres grands fleuves d’Europe).
ATELIER D’OFFARD : TRÉSOR NATIONAL VIVANT
François-Xavier Richard, c’est le garçon que le château de Fontainebleau appelle pour expertiser et reconstituer ses papiers peints d’époque. C’est lui aussi que le Palais de Tokyo sollicite quand le designer Robert Stadler veut une impression sur papier thermique pour son oeuvre
Countdown. Et lui encore à qui La Mère de Famille commande un beau papier à la planche pour sa confiserie. Entre deux missions, il est parti quatre mois en résidence à la villa Kujoyama de Kyoto. Un savoirfaire vieux de plusieurs siècles, un regard contemporain et une infinie curiosité pour tout ce qui touche au papier : s’il était japonais FrançoisXavier Richard, serait un « trésor national vivant » . Il fera d’ailleurs partie cet automne de l’exposition The Living Treasures of France au Musée national de Tokyo. Et en plus, il est très sympa !
ATELIER VERART : LABORATOIRE DE CRÉATION
Pour la verrerie scientifique et technique Dumas qui fabrique, depuis 1948, serpentins, alambics ou butyromètres en verre borosilicate, le Val de Loire est un laboratoire. Régulièrement sollicité par des designers intéressés par ce verre ultrarésistant, Laurent Dubreuil a lancé la marque Verart, et travaille avec des designers comme Aurélien Mirofle ou François Bazenant pour faire évoluer ses cloches, pluviomètres et alambics en lampes, vases ou photophores. Cet été, l’exposition
Ivresse a réuni les très belles pièces de Jean-Bernard Métais à la galerie La Forest Divonne. Et la souffleuse de verre Myriam Roland-Gosselin réalise avec ses boules et ses perles de grands lustres Verart sur mesure.
MAISON MAX ERNST : L’OASIS APRÈS LE DÉSERT
Comment Max Ernst, peintre allemand passé du groupe dada à Cologne au Paris des surréalistes, chassé par les nazis vers New York où il épousa Peggy Guggenheim, avant de s’installer dans les canyons d’Arizona, est-il arrivé à Huismes ? C’est la question que vous poserez à Dominique Marchès, désormais gardien du Pin perdu. Cette ferme proche de Chinon, Max Ernst l’acheta en 1955 avec l’argent du Grand prix de la Biennale de Venise et y vécut avec sa dernière épouse, le peintre Dorothea Tanning. Man Ray, Lee Miller, Marcel Duchamp ou Jean-Louis Barrault y passèrent en amis. La « période tourangelle » de Max Ernst fut douce. En 1961, il a une rétrospective au MoMA. En 1963, une expo à la bibliothèque municipale de Tours ! Entre les deux, il peint Le Jardin de la France, merveille onirique et sensuelle, à voir au Centre Pompidou.