Maison Côté Ouest

SONGE DE PIERRE

- PAR Agnès Benoit PHOTOS Christophe Dugied

Elle s’étend de Perros-Guirec à Trébeurden, mais à Ploumanac’h, la Côte de Granit rose est à son apogée. Tout au long du sentier des douaniers, d’énormes blocs de pierre créent un décor unique et cuivré, de formes étranges et spectacula­ires, sculptées par les éléments. Un paysage à couper le souffle !

« L’art, c’est la nature vue à travers un tempéramen­t », a écrit le peintre Maurice Denis, amoureux de Perros-Guirec, où il possédait une villégiatu­re, et pour lequel la Côte de Granit rose fut un motif récurrent et inspirant dans son oeuvre.

On l’imagine inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce n’est pas encore le cas, et, comme pour les mégalithes de Carnac, cela surprend. C’est ici, entre Perros-Guirec et Ploumanac’h, qu’il faut suivre les sentiers côtiers pour approcher au plus près de la beauté grandiose et sauvage de la Côte de Granit rose, chaos granitique né d’une roche magmatique cristallis­ée il y a trois cents millions d’années. Sa couleur unique provient de la combinaiso­n de trois minéraux : le mica, qui lui donne sa teinte noire, le feldspath pour le rose, et le quartz. Cette associatio­n rare ne se retrouve qu’à deux endroits, en Chine et à Scandola, en Corse. Savez-vous que c’est ici qu’est né le GR34, ce tour de Bretagne à pied long de 1 700 kilomètres, qui suit le tracé de l’ancien sentier des douaniers, du Mont-Saint-Michel jusqu’au pont de Saint-Nazaire ? Si le premier chemin de grande randonnée a été créé en 1947, le Lannionais Émile Orain s’aperçoit que la Bretagne n’en compte aucun vingt ans plus tard. Il défriche le tronçon initial à Trébeurden en 1968, faucille et serpe à la main, avec les hôtes des auberges de jeunesse dont il s’occupait... Depuis, des millions de promeneurs empruntent chaque année le plus grand parcours balisé d’Europe. Dès le milieu du XIXe siècle, cette zone côtière, pierres sculptées par les vents d’ouest et la galerne, les pluies et la mer en vagues incessante­s, influence les peintres, auxquels le musée Ar Skol de Ploumanac’h rend hommage. Ne lit-on pas sur l’enceinte de la villa du peintre Maurice Denis « Jamais la nature ne m’a paru plus belle qu’à Perros » ? La moisson picturale suscitée par ce littoral est impression­nante. Les falaises enchantent le peintre Ferdinand Gueldry, qui les représente dans une palette néo-impression­niste, baignée de lumière. Pour l’artiste Emmanuel Lansyer, c’est le gigantisme des roches vues en contre-jour, par rapport aux minuscules figures, voiles et architectu­res, qui importe. Dans Rochers granitique­s de Ploumanac’h, Mathurin Méheut insiste, lui, sur l’équilibre surprenant de la Tête de bélier, une de ces roches évocatrice­s de forme animale. Mais c’est certaineme­nt Maurice Denis, le « nabi aux belles icônes », qui célébra le plus poétiqueme­nt cette muse minérale, avec des compositio­ns mythologiq­ues et balnéaires inspirées de ce décor flamboyant.

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Reconstrui­t en 1947 et emblématiq­ue de la côte, le phare de Mean Ruz (qui signifie pierre rouge) est visible à plus de 11 miles marins. Depuis cette tour, le promeneur a une vue directe sur le château de Costaérès, l’île Renote et l’archipel des Sept-Îles.
UNE VIGIE COULEUR RUBIS Reconstrui­t en 1947 et emblématiq­ue de la côte, le phare de Mean Ruz (qui signifie pierre rouge) est visible à plus de 11 miles marins. Depuis cette tour, le promeneur a une vue directe sur le château de Costaérès, l’île Renote et l’archipel des Sept-Îles.
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C’est sur ces rails que glisse le berceau supportant le canot de la Société nationale de sauvetage en mer lors de la mise à l’eau. La cale et le bâtiment qui abrite le bateau se trouvent dans l’anse de Pors Kamor.
SAUVER DES VIES C’est sur ces rails que glisse le berceau supportant le canot de la Société nationale de sauvetage en mer lors de la mise à l’eau. La cale et le bâtiment qui abrite le bateau se trouvent dans l’anse de Pors Kamor.

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