COCKTAIL MALTAIS
C’est comme un petit bug spatio-temporel. Un coup de portable, et l’on commande une dhajsa, l’une de ces jolies petites barques maltaises colorées, qui vous emporte jusqu’à Birgu, rebaptisée Vittoriosa après que Jean de Valette et ses huit mille soldats ont tenu en respect Soliman le Magnifique et son armée cinq fois plus nombreuse. On peine à imaginer l’affrontement dantesque que fut ce Grand Siège de 1565 devant les lignes pures, élégantes d’un fort Sant’angelo fraîchement rénové. Birgu était à ce point dévastée qu’il parut préférable de rebâtir une ville à zéro sur l’autre rive du Grand Harbour. Mais, même installés à La Valette-ville nouvelle, les chevaliers gardèrent leur flotte ancrée dans les eaux calmes de Birgu/vittoriosa, qui peut s’enorgueillir aujourd’hui d’une superbe marina et même d’un jumelage avec Saint-tropez. C’est donc à travers un enchevêtrement de mâts bruissants que l’on découvre l’église Saint-lawrence et l’immense boulangerie navale (devenue aujourd’hui un musée maritime), où l’on cuisait les pains et les biscuits des marins. Le contraste est assez surprenant entre les yachts énormes et rutilants, où s’affairent des équipages à polos siglés, et la petite ville historique, rugueuse et dorée, où l’on se perd dans un lacis de ruelles tortueuses, balayées par des ménagères méticuleuses. Avec ses jolies copines de rade, Bormla/cospicua et Isla/senglea, Birgu/vittoriosa fait partie du club des Three Cities, «Trois Cités» qui espèrent une inscription au Patrimoine mondial de l’unesco. Tout comme Mdina, où l’aristocratie maltaise vivait avant l’arrivée des chevaliers, à l’écart de la mer et des invasions non sollicitées. Dépossédée de ses prérogatives par l’ordre, secouée par le tremblement de terre de 1693, elle est devenue cette perle baroque en rase campagne qu’aiment visiter les touristes. La beauté de ses bastions, de sa porte d’entrée, de la cathédrale Saint-paul et du palais Vilhena est indéniable, mais avec un petit côté vitrifié dans le passé qui fera peut-être préférer Mosta. Là, l’église de l’assomption a été coiffée d’une extraordinaire rotonde néoclassique par l’architecte-antiquaire Giorgio Grognet de Vassé, inspiré par le Panthéon de Rome et la campagne d’égypte (à laquelle il avait participé). Miraculeusement rescapée d’un bombardement pendant la dernière guerre, elle veille comme une géante débonnaire sur une petite ville bien d’aujourd’hui.