LES MYSTÈRES DE L’OUEST
« Je vais vous faire goûter un truc super, dit la barmaid du Kimpton Goodland de Goleta.
Je l’ai appelé ‘Elementary, my dear’ ! » Intrigués, on la regarde mélanger vodka, liqueur de sureau, orange sanguine, citron et feuille de sauge… C’est frais, hespéridé à souhait, dans la pure tradition de Goleta – qui se couvrit littéralement de citronneraies de la fin du XIXE siècle aux années 1930. Les cocktails élémentaires, c’est ce qu’on préfère dans ce boutique-hôtel à la cool, repaire de jeunes beach boys embourgeoisés. Mais, pour tout dire, on délaisse vite sa piscine turquoise pour la côte Pacifique toute proche, si belle à Goleta et au-delà. El Capitán State Beach et ses piscines naturelles, où des étoiles de mer orange et violine jouent à cache-cache avec la marée basse, Refugio State Beach et son anse de sable bordée de palmiers, sont les parcs naturels de l’état de Californie les plus proches. Des portions de littoral préservées, vierges de construction, où, moyennant dix dollars, on peut passer la journée, surfer, plonger, pêcher, camper et profiter de l’expertise des rangers qui patrouillent ces grands espaces et, armés d’un crayon à papier, sont toujours prêts à vous dessiner un plan d’accès au spot à pique-nique dont vous rêvez. À la belle saison, ils organisent même occasionnellement des sorties en kayak de mer, à la découverte de la côte. Et le soir, dans la lumière orange, ce sont les amoureux qui viennent s’installer sur des chaises hautes pour regarder, lovés dans une couverture, le soleil se coucher sur le chaparral et les montagnes de Santa Ynez à perte de vue. Plus loin, quand L’US 101 bifurque vers l’intérieur en direction de San Francisco, elle abandonne le littoral à l’historique Highway 1 et à la voie ferrée, qui enjambe crânement certainement plages, comme dans le Gaviota State Park, juchée sur des structures en bois dignes des Mystères de l’ouest. L’ambiance « ruée vers l’or » est encore plus sensible si vous montez, en fin de journée, au sommet de Gaviota Peak. L’oeil parcourt alors toute cette côte sauvage, succession de falaises tombant dans l’océan vif-argent, jusqu’à Point Conception et son petit phare blanc. Face à vous, des étendues marines à la faune riche et protégée, une frise de pélicans qui planent au ras des vagues et, en ombres chinoises, le chapelet des Channel Islands sur fond d’or liquide. Des paysages uniques, magnifiques et fragiles comme un décor de roman. De T. C. Boyle, forcément…