BRODEUR DE MYSTÈRES
L’artiste Pascal Monteil peint à l’aiguille une épopée où se mêlent récits d’orient et d’occident.
C’EST UN ARTISTE TRÈS SINGULIER QUE VÉRONIQUE PIEYRE DE MANDIARGUES ET FLORENCE RECKINGER-TADDEÏ INVITENT CET ÉTÉ À LA GALERIE REGALA. PASCAL MONTEIL PEINT À L’AIGUILLE DES ENLUMINURES RAFFINÉES OÙ SE MÊLENT RÉCITS D’ORIENT ET D’OCCIDENT. UNE ÉPOPÉE BRODÉE CÉLÉBRANT LA BEAUTÉ ET LE FRACAS DU MONDE.
«Pascal Monteil est né pour la dernière fois à Nîmes en 1968. Il a été auparavant tisserand à Tabriz, céramiste à Kyoto, peintre d’icônes à Istanbul ou batelier à Calcutta. » Ainsi l’auteur Rayas Richa dépeint-il le talent protéiforme de cet artiste étonnant, dans le cahier édité à l’occasion de l’exposition que lui consacre la galerie Regala à Arles. Après des études d’art à la Villa Arson à Nice, Pascal Monteil est parti sur les routes d’asie durant trente-cinq ans, pour récolter et confronter différentes représentations du monde. De ce périple, il a rapporté un art nomade par excellence : la broderie. Aujourd’hui il ne s’exprime que sur des toiles de chanvre du XIXE siècle, faciles à plier, à emporter, propices à la fuite. Il y tisse des fils anciens qui, selon son ami Christian Lacroix, se muent en « gouache, aquarelle, glacis, huile épaisse, charbon de bois » : kaléidoscope d’images à la poésie incandescente, tapisserie de haute-lisse où s’écrit une autre histoire de la peinture. « Je rêvais d’un lieu où pourraient circuler, dans les ruelles de Giotto, des soufis de Tabriz sur des attelages à la Paul Klee », explique Pascal Monteil. Le brodeur s’adonne en virtuose à sa manie du télescopage. De la civière de Rimbaud à l’arche de Noé, de la maison de Van Gogh au lit de Pirosmani, il entrechoque légendes et mythologies pour créer, de fil en aiguille, une sorte d’encyclopédie intime, solaire et primitive. Sa tapisserie est un médium de la lenteur, qu’il pratique souvent allongé, pour résister à la frénésie du monde. C’est aussi, dit Christian Lacroix, « un artisanat énergique et musclé, presque martial, qui n’a rien de l’ouvrage de dames ». Mais l’aiguille qui pique et qui scarifie est aussi celle qui répare. Point après point, les toiles de Pascal Monteil dessinent « une cité-refuge pour ceux qui ne comprennent rien au réel ». À Arles, où l’artiste a décidé d’installer son atelier, la galerie Regala donne à voir ses derniers travaux, qui se déplient à la manière de cartes routières. Labyrinthe éblouissant dont on déroule sans se lasser le brillant fil d’ariane.