La double vie des chefs
À TOULOUSE, LES CHEFS ONT PARFOIS FAIT DES DÉTOURS AVANT D’ARRIVER AUX FOURNEAUX. MÊME LE PIONNIER MICHEL SARRAN A INTERROMPU SES ÉTUDES DE MÉDECINE POUR CUISINER DOUCEMENT, PUIS PASSIONNÉMENT. SIMON CARLIER, CHEZ SOLIDES, OU HAMID MISS DE LA PENTE DOUCE, SONT PASSÉS PAR LA CASE AÉRONAUTIQUE, EN TANT QU’INGÉNIEUR ET MÉCANICIEN DE PRÉCISION. BALTHAZAR GONZALEZ A MOINS HÉSITÉ. POUR SA GÉNÉRATION, LA CUISINE EST BRANCHÉE. MAIS IL JOUE LES DJ AU DÎNER. RETOUR AUX SOURCES
Simon Carlier a fait de l’ancienne rôtisserie des Carmes un estaminet chic, peut-être en clin d’oeil à ses grands-parents qui, en Belgique, faisaient leur propre beurre et des tartes à l’infini. Lui a grandi à la fermeauberge, où ses parents élevaient des agneaux du côté de Limoux. Difficile alors d’échapper à l’appel des bons produits, qui ont fini par le détourner de sa carrière d’ingénieur aéronautique et automobile. Reste un travail au micron en cuisine. Silence, concentration, et voilà qu’il pose sur la table un homard en deux façons qui laisse sans voix. L’été, on trouve aussi ce gros bosseur au bistrot du théâtre Garonne, où il cuisine avec le chef Mika Lecumberry (Le Rocher de la Vierge).
SOLIDES
Et liquides! Dans sa cave, 350 références de vins élaborés en biodynamie, qu’il fait découvrir à ses clients et aux autres chefs.
GASTRO MA NON TROPPO
Michel Sarran est né en 1961 à Saint-martin-d’armagnac dans le Gers, où sa mère tenait une auberge. Il en a gardé le parfum de la fricassée de poulet à l’oignon, un copain d’enfance, Jean-luc, qui lui fournit ses petits légumes et plein d’images en tête qu’il vous dessine dans l’assiette. C’est vrai: comme sa déco, sa cuisine deux étoiles a le charme (un peu tarabiscoté) des années 1990, mais l’homme est resté simple, chaleureux, et la partition est maîtrisée jusqu’au bout. Un exemple? Ce Jardin printanier de mini-légumes plantés dans un terreau-crumble à l’encre de seiche, servi avec une onctuosité de brebis à la verveine et une infusion de serpolet. Charmant, et parfait avec un Supernova 2018 au muscat à petits grains du domaine Danjou-banessy.
RESTAURANT MICHEL SARRAN
Les gourmets aimeront le menu Capitole (60 €, vins et café compris) servi uniquement au déjeuner.
NOUVELLE VAGUE
Balthazar Gonzalez a pris un double risque. Celui de s’éloigner du centre-ville pour s’installer à la Côte Pavée, quartier résidentiel mais pauvre en restaurants. Et celui d’y imposer un menu unique et une table d’hôtes de douze couverts où tout le monde était servi en même temps. Cette année, il a décroché sa première étoile et veut revenir à un plan de table plus classique. Sa cuisine ? Raffinée et sobre : trois à quatre goûts dans l’assiette, pas plus, mais un jeu de textures pointu. Beaucoup de végétaux, de fleurs, de poissons et de fruits de mer. Moins de viande, ou alors de la Blonde de Galice (Rubia Galega). « Plus je vieillis, conclut-il (à 28 ans), plus je fais ce que j’aime. » Il n’y a pas de hasard, Balthazar !
RESTAURANT HÉDONE
Au côté de Balthazar, Rémi Basson, cuisinier-oenologue veille sur 230 références de vins nature ou classiques.
PASTA MAISON
Un jour de 2016, Jean-christophe Vigne a plaqué la fraise (il était dentiste) pour la pasta. Un rêve de toujours, l’envie d’un endroit où manger les pâtes «sans concession» de son enfance. Après Saint-rémy et Marseille, il s’installe cette année à Toulouse. « Ma femme, Maylis Bastien, est toulousaine. Je connais et j’aime cette ville.
» Fratelli, c’est le début de l’hymne italien, et ça colle bien avec sa squadra 100% transalpine, en cuisine comme en salle. Ici, pas de pizzas, mais des pâtes et raviolis maison. Tout est cuisiné au moment, y compris les risottos. Il faut savoir attendre un peu, Jean-christophe en est convaincu: le bon est à ce prix! Le beau aussi, qui met en appétit, dès le comptoir où attendent déjà la focaccia au romarin et le jambon de Parme.
RISTORANTE FRATELLI
Comme à Marseille, Maylis Bastien a fait évoluer un restaurant des années 1930 vers un décor à l’italienne.
PÉPITE & PAPILLES
De la terrasse de Pépite, qui s’aventure sur le trottoir, on regarde glisser à vélo les jeunes gens du quartier SaintCyprien et la Garonne au port Viguerie. À l’intérieur, il y a des carreaux en terre cuite, de la brique au mur et le chef Mathieu Karunagaran, qui a quitté les cuisines parisiennes d’alain Ducasse pour Toulouse et la liberté. Il propose de picorer des frites de panisse avec des anchois frais, avant de passer au plat de résistance. Alors, plutôt saint-pierre et déclinaison de carottes, turbot et aubergines au citron ou côte de veau de lait aux blettes et champignons shiitake? Les poissons seront cuits à la perfection. Du côté des desserts, les habitués raffolent de l’étonnant fondant au chocolat avec une meringue et… des aubergines vanillées.
RESTAURANT PÉPITE
Dans les casiers, on peut choisir des vins nature, la sélection d’étienne, le sommelier.
ON DIRAIT LE SUD
À voir Hamid Miss, hilare parmi ses gamelles et son « orgue » à épices, on est loin d’imaginer son histoire. Le Maroc, un village du côté de Fès. Sa mère, cuisinière qu’il aide pour les mariages. Son père, qu’il part rejoindre en France à 15 ans. À Toulouse, il s’imagine mécanicien de précision sur les avions, mais non : à force de lire et regarder les émissions des grands chefs à la télévision, il décide de cuisiner ! Il ouvre La Pente douce en 2008 et y suit ses envies. La tchouktchouka, oui, mais aux piments d’anglet. Le kefta, bien sûr, mais au veau du Pays basque, et la semoule très fine des femmes de son village avec une glorieuse volaille rousse du Gers. Hamid aime les très bons produits.
LA PENTE DOUCE
Le chef aime discuter avec les clients et amis, s’asseoir avec eux autour d’une bouteille après le coup de feu.
GRANDS CRUS
C’est l’endroit parfait pour démarrer sa journée, surtout quand Valentin Tihy torréfie ses cafés pure origine, 100 % arabica. Entre Paris (La Caféothèque) et Barcelone (Esperanza Café), où il a appris son métier, il y a Toulouse et ses bords de Garonne, où il aime faire découvrir les profils aromatiques de grands crus en utilisant les mêmes méthodes d’extraction lente que dans les meilleurs coffee-shops anglo-saxons. Chez lui, on peut juste acheter son paquet d’arabica moulu ou en grains, croquer une part de gâteau en terrasse ou s’installer pour un long brunch avec vue et avocado toast, avant une escapade dans le quartier Saint-cyprien, de l’autre côté du Pont Neuf.
LE CAFÉ CERISE
Penser à s’abonner pour recevoir tous les mois une box caféinée avec les cafés d’origine à la mouture de son choix.