FIGURES LIBRES
Sept artistes contemporains ont imaginé 54 cartes épinglant nos enjeux sociétaux. Une donne ludique.
DANS LE CADRE DE MANIFESTA 13, THE AMERICAN GALLERY ET L’ASSOCIATION L’ARTPRENDL’AIR ONT RÉINTERPRÉTÉ LIBREMENT LE FAMEUX JEU DE MARSEILLE, CRÉÉ PAR LES SURRÉALISTES. SEPT ARTISTES CONTEMPORAINS ONT IMAGINÉ CINQUANTE-QUATRE CARTES ÉPINGLANT NOS ENJEUX SOCIÉTAUX. UNE NOUVELLE DONNE LUDIQUE, ÉSOTÉRIQUE, POÉTIQUE.
Marseille, 1941. Fuyant le régime de Vichy, de nombreux artistes affiliés au surréalisme sont confinés à la Villa Air-bel par l’américain Varian Fry, qui s’efforce d’organiser leur départ en bateau. Pour meubler l’attente, André Breton et ses amis créent collectivement un flamboyant jeu de cartes, inspiré du tarot de Marseille, dont ils revisitent la symbolique et les figures. Marseille, 2020. Dans le cadre de la biennale Manifesta 13, The American Gallery décide d’offrir à la ville une version contemporaine de ce célèbre compagnonnage artistique. Françoise Siffrein-blanc et Françoise Oppermann, qui, à travers leur association L’artprendl’air, tentent depuis 2009 « de mettre l’art à la portée du plus grand nombre», sont chargées de recruter les artistes et piloter le projet. «Lorsque nous avons proposé à Gérard Traquandi, qui aime jouer aux cartes, de participer à la création d’un nouveau Jeu de Marseille, il a dit oui tout de suite ! », raconte Françoise Siffrein-blanc. Le peintre reçoit la mission de revisiter le Joker et les emblèmes, car le monde a changé. Pour évoquer les préoccupations d’aujourd’hui, les couleurs traditionnelles sont remplacées : l’oeil symbolise l’omniprésence du regard ; la Puce, la suprématie du numérique ; la Pièce, l’échange perpétuel ; la Coquille, la nature en danger. Autour de Gérard Traquandi, un commando de jeunes artistes marseillais (Claire Dantzer, Julie Dawid, Jérémie Delhome, Sara Fiaschi, Karine Rougier, Mayura Torii) se répartit, par tirage au sort, la création des nouvelles figures. La cohorte de personnages fabuleux imaginée par les surréalistes se mue en un défilé non moins chatoyant, où paradent héros et démons de notre époque: Thétys, la déesse menacée de la fécondité marine, Roland Moreno, l’inventeur de la carte à puces, Akiko Ishigaki, la tisserande autarcique sur son île nippone…
« Nous n’avons pas voulu créer un objet figé, confient les créatrices de L’artprendl’air, mais un jeu pour tous : enfants, adultes, acharnés de la belote ou du mistigri, amoureux de l’art ou du mystère…» Bonne pioche !