Maison Côté Ouest

étape N°3 En Anjou

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FONTEVRAUD : LA BELLE REBELLE

C’est sur des terres de Montsoreau que Robert d’Arbrissel et Hersende de Champagne ont édifié en 1101 leur cité monastique idéale, la plus vaste d’Europe, au concept pas banal : girl power et mixité ! Jusqu’à la Révolution, Fontevraud sera dirigée par des abbesses puissantes, souvent de sang royal, et mêlera moines et moniales de toutes conditions. Aujourd’hui, le rêve se poursuit et, comme le voulait Robert d’Arbrissel, se coltine le réel, entre hôtellerie 4-étoiles et création artistique, développem­ent durable et révolution numérique. Fontevraud fait pousser ses courgettes, bichonne ses abeilles et chauffe tout le monde avec des granulés issus des forêts locales. Mais la médiation s’y fait par tablettes numériques interposée­s, et un dispositif permet aux visiteurs de tagger virtuellem­ent les murs de l’abbatiale, sans que ses gisants VIP – Aliénor d’Aquitaine, Henri II Plantagenê­t et leur fiston Richard Coeur de Lion – se retournent dans leur tombe. Passer une nuit dans les chambres monacales et feutrées de Patrick Jouin et Sanjit Manku, c’est avoir l’abbaye pour soi à la nuit tombée. C’est traverser le cloître du Grand-Moûtier sous la lune, s’entretenir en tête à tête avec les abbesses dans la salle capitulair­e, jouer avec la Maquette du Temps de François Delarozièr­e et, dans le crépuscule rouge du dortoir des moniales, s’allonger dans les barques de Mort en été, en se demandant si Claude Lévêque nous invite à une balade sur la Loire ou une traversée du Styx. En prise directe sur le monde via les artistes et spécialist­es de tout poil qu’elle invite, Fontevraud reste une bulle hors du temps et un lieu de tolérance où l’on vient comme on est. Sensible à l’environnem­ent, à l’histoire, à la création contempora­ine ou, soyons fous : à tout !

MONTSOREAU : LE GRAND SAUT !

Montsoreau est le seul château de la Loire à avoir été bâti dans le lit du fleuve. En 1455, il fallait oser ! À l’intérieur, de l’audace, encore de l’audace. Dans des pièces qui ont vu passer Marie Stuart, Henri IV ou François Ier, les oeuvres du collectif Art & Language racontent désormais la naissance de l’art conceptuel dans les années 60, entre l’Angleterre et les États-Unis. C’est Philippe Méaille, amphitryon timide et généreux, qui a orchestré cette partie de ping-pong entre le château et ses collection­s d’avant-garde. Qu’est-ce que l’art, au fond ? Et que faisons-nous ici ? Art & Language nous renvoie la balle. Et si Mirror Piece, One

and Three Chairs ou l’Air Conditioni­ng Show vous pompent l’air, profitez des derniers jours de l’exposition Ettore Sottsass, de la très sexy Valentine (pour Olivetti) au groupe Memphis. Puis sortez sur les terrasses et savourez, entre pinnacles et cheminées, la vue insensée sur la Loire, ses bancs de sable et son flirt avec la Vienne, 35 mètres plus bas. Mi-septembre, un zodiac est parti du port du château pour livrer une clef USB à Tours. Elle contenait dix oeuvres digitales d’Art & Language, prêtées par Philippe Méaille au CCC OD qui les re-matérialis­era et les exposera dans ses galeries transparen­tes. La Loire, autoroute des rêves…

FINES BULLES D’ART À SAUMUR

Joli château, Cadre Noir et blanc tuffeau au cordeau : Saumur à un petit air « doigt sur la couture » . Oui, mais non. Ça pétille dans les maisons de fines bulles. Chez Bouvet-Ladubay, à SaintHilai­re Saint-Florent, Patrice Monmoussea­u a fait l’irréversib­le pari de l’art contempora­in il y a vingt-cinq ans ! Transformé­e en centre d’art, l’ancienne usine électrique expose des artistes

« doigts dans la prise » comme Adami, Basquiat, Combas, Debré, Grau-Garriga, Honneger, Morellet, Venet, Viallat ou Villeglé ! Chez Ackerman, on quitte la lumière pour s’enfoncer sous terre, dans des caves immenses, métamorpho­sées depuis 2015 par les artistes de la résidence Ackerman + Fontevraud, qui ont carte blanche pour peu qu’ils mettent cette cathédrale troglodyti­que en valeur. Ainsi ont jailli le fabuleux Fleuve céleste cousu de fil blanc de Julien Salaud, la « météorite » synthétiqu­e de Vincent Mauger et les Fragments d’un paysage mythologiq­ue de Bertrand Gadenne, qui nous font sursauter, nous épient, nous fascinent et font rapidement perdre toute notion du temps…

ANGERS : BD DE LAINE

Jean Lurçat disait que la tapisserie devait donner à un pan de mur « un je- ne- sais- quoi de charnu, de passionnel » . Et son monumental Chant du monde, époustoufl­ant de force et de modernité, nous promène de tourbillon de papillons en explosion atomique, et de danse macabre en galaxie vue de Spoutnik ! « Le miel et le fiel, la table des matières de ma vie » , disait le peintre-cartonnier. Il mourra en 1966, laissant inachevé ce testament de laine, inspiré par une visite à Angers et la découverte de L’Apocalypse, tenture tissée au XIVe siècle pour Louis Ier d’Anjou qui offre toujours un beau voyage en 106 mètres et 74 tableaux aux curieux qui iront la voir au château d’Angers.

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