Expo l’envol
Au commencement était Dédale, l’inventeur génial de l’évasion, de la fuite dans les airs, entraînant avec lui son fils Icare, tous deux harnachés d’ailes, deux prothèses collées à la cire. Ils s’élèvent, grisés par le vol, portés dans l’atmosphère. La suite, on la connaît. Icare s’approchant trop près du soleil voit ses ailes fondre et meurt, précipité dans la mer. Du réel à la mythologie, le ciel est un terrain de jeu risqué pour l’homme. Remettre en cause les lois de l’apesanteur, tenter des évasions hors du champ terrestre, se lancer dans l’inconnu, expérimenter l’état gazeux de l’atmosphère, entre deux turbulences, par hédonisme ou par militantisme car il faut bien sauver les hommes d’une destruction du monde, s’en donner les moyens, construire des abris volants, bâtir des utopies.
C’est un vaste projet que nous proposent les cent trente artistes réunis dans L’envol.
Le ciel, un territoire généreux partagé entre des artistes extravagants, convaincus de pouvoir vaincre l’apesanteur ou les dieux qui le peuplent et les autres, les conceptuels, qui imaginent des fabriques d’utopies, plus proches des poètes que des scientifiques.
L’envol est la dernière exposition de la maison rouge qui fermera définitivement ses portes le 28 octobre 2018.
Défier la pesanteur
Si le désir de s’envoler s’avère aussi ancien que l’humanité et si le ciel a laissé entrevoir un peu de ses mystères grâce au progrès de l’aviation, il n’en reste pas moins que l’homme n’est pas un oiseau. Se parer de plumes n’est pas suffisant. Gagner cette liberté, élargir les limites de son champ d’action en tant qu’être incarné, nécessite un surpassement car le corps seul peine à s’élever. Dépourvus d’ailes, les danseurs s’élancent et défient les lois de la gravité sans craindre la chute ou l’épuisement (Loie Fuller, Nijinsky, Cuningham…).
Rodchenko, ancien photographe de la propagande russe, fait s’envoler les athlètes, joue de plans audacieux ou de contreplongées. Ses oeuvres sont des représentations du culte du corps au service de la révolution dont les héros sont propulsés au firmament.
Lucien Pelen cherche l’anti- matière, tente de fondre son corps dans l’atmosphère. Il s’élance bras tendus dans un infime interstice d’extase avant le retour brutal à terre. Frôler les limites du possible, tel est le fragile équilibre à tenir.