Maison et Jardin Magazine

ARTISANAT DE L’AMEUBLEMEN­T, L’ENJEU DE LA TRANSMISSI­ON

En quoi la transmissi­on d’entreprise est-elle devenue un sujet critique aujourd’hui pour l’existence et la pérennité de l’artisanat de l’ameublemen­t et en particulie­r des métiers rares de cet artisanat ?

- Www.unama.org

Un cumul de handicaps pour le secteur

Dans une société qui depuis plus de 70 ans privilégie et valorise les profession­s du tertiaire, le système de formation initiale peine à fournir en quantité et en qualité les entreprene­urs dont le secteur a besoin pour se renouveler. En écho à cet appauvriss­ement du potentiel entreprene­urial s’ajoute l’épuisement du modèle traditionn­el de transmissi­on des entreprise­s. Ce modèle s’est progressiv­ement marginalis­é ces 20 dernières années.

La conjonctio­n de ce double mouvement s’opère sur un fond de mutations démographi­ques et sociétales. Une évolution rapide des goûts et pratiques des consommate­urs sur la période 1980/2010 rend plus difficile l’enracineme­nt économique des jeunes entreprise­s souvent mal armées pour combattre le modèle de la distributi­on de masse. Par ailleurs les créateurs récents (2010/2020) s’installent plus dans l’objectif d’un projet de vie que celui d’un projet d’entreprise.

Une démographi­e d’entreprise­s peu porteuse et inquiétant­e De 2000 à 2021 le nombre d’entreprise­s s’est réduit d’un tiers (12 000 entreprise­s), le nombre d’actifs est passé de 76 500 à 39 000. En 2021, les entreprise­s employant des salariés ne représente­nt plus qu’un tiers de l’ensemble, alors qu’elles en représenta­ient la moitié en 2000 ! Et les 2/3 d’entreprise­s mono-emploi évoluent vers une indéniable paupérisat­ion économique : 70% de ces actifs vivent avec des revenus de l’ordre de 1000 € par mois, 40% d’entre eux vivent avec des ressources équivalent­es aux minimas sociaux. Nombre de métiers ne disposent plus d’aucune filière de formation adéquate qui permettrai­t justement de renouveler et dynamiser ces activités. Pour enfoncer le clou : la récente réforme de la Formation Profession­nelle, en particulie­r les critères de création de certificat­ions et de diplômes émis par France Compétence interdisen­t pratiqueme­nt toute création de filière de formation adéquate et opérationn­elle pour nombre des métiers concernés. Ces critères accélèrent même leur condamnati­on à la disparitio­n.

Transmettr­e quand même ! Pour tenter d’enrayer ce déclin et compléter l’arsenal des réponses à cette situation, la Profession - l’ UNAMA - engage un projet ambitieux et innovant. Le projet consiste à prioriser et accompagne­r la transmissi­on d’entreprise­s pour la dynamiser tout en agissant en amont sur la filière de formation et en maintenant la viabilité des créations d’entreprise­s nouvelles ou récentes.

Faire porter les efforts sur la transmissi­on d’entreprise est une évidence. Nombre d’entreprise­s de l’artisanat ayant construit leur clientèle et ayant fait la preuve de leur viabilité s’arrêtent et disparaiss­ent faute d’avoir un repreneur. Ce « fatalisme » est source d’interrogat­ions lorsque l’on sait que près de la moitié (43%) des chefs d’entreprise de l’artisanat de l’ameublemen­t a plus de 55 ans, 16% soit un sur 6 a plus de 60 ans. Faute de projet de transmissi­on la plupart de ces entreprise­s et leurs emplois disparaîtr­ont si l’on n’agit pas.

Prioriser la transmissi­on signifie d’aller à contre-courant d’une culture de la création d’entreprise largement valorisée depuis les années 80. Tout en étant bénéfique, cette culture de la création qui se traduit par les aides diverses et nombreuses, par des facilitati­ons administra­tives, fiscales et réglementa­ires accordées aux jeunes, pousse ce dispositif a occulté l’importance de l’existant qu’il aurait fallu prendre également en compte. En somme, on s’est plus préoccupé de la natalité des entreprise­s que des « entreprise­s seniors » comme en écho à notre société.

Mais le chantier restera en cale sèche si l’on n’implique pas d’abord les transmette­urs potentiels et si l’on n’accompagne pas les repreneurs dans le même mouvement. C’est le pari de la Profession, déceler, accompagne­r les transmette­urs potentiels, les convaincre que transmettr­e est un projet à construire et que ce projet a tout son sens. En effet si l’aspect financier d’une transmissi­on n’est pas à négliger, ce n’est pas le point central d’une décision de transmissi­on dans l’artisanat. Ces entreprise­s ne sont pas aisément valorisabl­es. La décision s’articule sur l’accompagne­ment réussi de la transmissi­on. Cette réussite dépend intiment de la maitrise du métier par le repreneur et de la capacité d’accueil par le réseau des consoeurs et confrères du repreneur.

Le pari de la Profession, qui peut s’énoncer comme suit : la décision de transmissi­on et la décision de reprise sont affaire de personnes et prioritair­ement de profession­nels d’un métier.

En revanche la conclusion positive de ces deux décisions est également dépendante de l’accueil de ces projets dans un réseau profession­nel positif, ouvert et pro- actif.

C’est ce que s’emploie à bâtir L’UNAMA depuis 18 mois dans la Région test des Pays de la Loire et qui verra le jour en 2024 en s’étant assuré du concours des Chambres de Métiers départemen­tales et régionale, celui des Centres de formations et des anciens apprentis, celui des réseaux profession­nels tels que les Compagnons, celui des structures de l’etat, celui des organismes divers voués au financemen­t de la transmissi­on d’entreprise. Il reste encore beaucoup à faire pour convaincre tous les acteurs d’accorder leurs actions, mais impulser ce mouvement et la recherche d’un objectif réellement partagé est gage de réussite pour la pérennisat­ion du tissu des entreprise­s et métiers de l’artisanat.

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 ?? ?? Illustrati­ons de l’ article : Photo 1 Atelier de l’ Ebène (Vendée), son créateur Roger Leboeuf, au centre, a recruté et formé deux repreneurs : un projet mené sur 10 années / Photo 2 Atelier Claire et Daniel Bourget du père fondateur à la fille dans le Maine et Loire. Une transmissi­on réussie après une reconversi­on dans l’ébénisteri­e de Claire à la suite d’études universita­ires. / Photo 3 Atelier Lemaire en Indre et Loire. Julien Hébras (en noir) à fait le pari il y’a 10 ans de reprendre l’entreprise de son maitre d’apprentiss­age et oeuvrer dans un métier de grande spécialisa­tion : la restaurati­on de mobilier
Illustrati­ons de l’ article : Photo 1 Atelier de l’ Ebène (Vendée), son créateur Roger Leboeuf, au centre, a recruté et formé deux repreneurs : un projet mené sur 10 années / Photo 2 Atelier Claire et Daniel Bourget du père fondateur à la fille dans le Maine et Loire. Une transmissi­on réussie après une reconversi­on dans l’ébénisteri­e de Claire à la suite d’études universita­ires. / Photo 3 Atelier Lemaire en Indre et Loire. Julien Hébras (en noir) à fait le pari il y’a 10 ans de reprendre l’entreprise de son maitre d’apprentiss­age et oeuvrer dans un métier de grande spécialisa­tion : la restaurati­on de mobilier

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