Les objets connectés
La maison est un terrain de choix pour les objets connectés : ils permettent de sécuriser la maison, de faire des économies d’énergie, de jouer avec la lumière… Les innovations pleuvent et ce n’est qu’un début.
P as un jour sans qu’on en entende parler : les objets connectés (OC) font indéniablement le « buzz » ces derniers temps. Et ce ne serait qu’un début : certains leur prédisent le même avenir radieux que la téléphonie par internet ou l’utilisation des drones. Dans les prochaines années, le marché des OC pourrait représenter plusieurs dizaines de milliards d’euros, et l’habitat constituerait l’un de leurs principaux secteurs de développement (voir le sondage page suivante). Si nous semblons déjà en attendre beaucoup en termes d’amélioration de notre qualité de vie, comme pour toute technologie de rupture, les OC suscitent tout à la fois curiosité et interrogations, enthousiasme et inquiétudes…
Vous avez dit gadget ?
S’ils font autant de buzz, c’est aussi parce que l’offre ne cesse de croître : à croire que tout est connectable. Même les bijoux ou les fourchettes ! Pourtant, un mot revient lorsqu’il est question d’OC : gadget. Selon leurs détracteurs, ils se réduiraient à des objets sans réelle utilité, uniquement portés par des modes, des tendances savamment entretenues par les géants de l’IT (acronyme anglais pour « technologies de l’information »), Apple et Google en tête. Car certains équipements proposent des fonctions qui peuvent laisser rêveur : compter les pas faits en une journée, analyser la composition de l’eau de l’aquarium du salon, calculer les minutes de sommeil passées à rêver… Mais comme les goûts et les couleurs, la notion d’utilité affectée à un OC est largement subjective. Il n’est pas non plus impossible que certains fabricants, pour surfer sur la vague du « tout connecté », proposent toute sorte de nouveautés à l’intérêt plus ou moins évident… Et, si tout le monde ou presque a entendu parler des OC, il n’est pas sûr que chacun en donne la même définition. C’est une vraie question : qu’est-ce qu’un OC ?
Les machines parlent aux machines…
Le fondement des OC est de simplifier notre vie quotidienne en nous déchargeant de certaines tâches répétitives ou en nous faisant gagner du temps. Et le terme « connecté » renvoie implicitement à internet. Dans l’habitat, la gestion de l’énergie fait partie des champs d’application des OC. Grâce à un système de chauffage connecté, l’utilisateur peut, via une simple application, programmer la montée en température de sa salle de séjour au moment où il quitte son lieu de travail, histoire d’avoir en rentrant un accueil des plus chaleureux… Autre domaine d’application : la sécurité et la prévention des intrusions (lire aussi notre dossier « Le point sur : la sécurité » , Maison & Travaux n° 264). Grâce à de petites caméras reliées par Bluetooth, radio ou wifi avec une box internet, il est désormais possible de garder, à distance, un oeil sur son domicile via smartphone, tablette ou ordinateur. Les OC sont donc a minima des objets communicants. Mais les cantonner à cette unique caractéristique serait trop réducteur. À vrai dire, la prise en main à plus ou moins longue distance constitue le B-A BA des OC. Avant leur avènement, de nombreux systèmes domotiques offraient déjà le pilotage d’un système d’alarme ou de chauffage à distance, depuis un smartphone, une tablette ou un ordinateur. Si les OC sont censés d’autant mieux nous faciliter la vie, c’est pour au moins un
Encore discrets dans les foyers français, les objets connectés suscitent engouement, railleries ou indifférence… Ils représentent surtout un marché qui serait en passe d’exploser. Alors, indispensables ou superflus ?
critère bien précis : l’autonomie. Soit leur capacité à agir sans intervention de l’utilisateur. Pour ce faire, l’OC doit être en mesure de dialoguer avec son environnement, qui englobe d’autres objets connectés, de manière autonome. Dans le jargon technique, on parle de communication « machine to machine » . Or, tous les objets estampillés « connectés » ne sont pas (encore) capables d’une telle autonomie fonctionnelle.
Réfrigérateur du futur
Prenons un exemple parmi d’autres : le réfrigérateur. De nombreux fabricants se proposent de lui associer de nouvelles fonctionnalités, proprement futuristes : avertir l’utilisateur de l’état de ses stocks via des alertes SMS, l’alerter sur l’arrivée prochaine de la date limite de consommation des produits, ou encore, lui proposer des rece es de cuisine adaptées aux denrées qu’il contient ! Autant de possibilités qui ont de quoi faire saliver… Mais un rapide examen de l’o re actuelle fait un peu déchanter : hormis l’ajout d’un écran tactile donnant accès à internet (utile pour télécharger des rece es de cuisine), les réfrigérateurs connectés ne sont pas encore en mesure de tenir toutes ces promesses… Des pistes sont à l’étude pour quanti er les ux de denrées : ajout d’un lecteur de codes-barres (présents sur les étique es des produits), installation de caméras à l’intérieur des réfrigérateurs, conception de claye es (étagères) avec balances intégrées…
La « tête » dans le nuage…
Car il faut deux choses à un OC pour qu’il puisse être autonome : une intelligence arti cielle et des capteurs. Grâce à ces derniers, l’OC va collecter des données pour ensuite les analyser. Passées à la mouline e d’algorithmes déportés sur des serveurs informatiques (cloud ou « nuage »), ces données renseignent sur nos habitudes de consommation. En retour, ces
mêmes algorithmes pilotent les OC de façon à ce qu’ils répondent à nos besoins de la manière la plus adaptée. Aujourd’hui, on trouve des OC réellement aboutis dans le domaine de la gestion de l’énergie. Si la société américaine Nest fait beaucoup parler de son thermostat connecté, elle n’est pas seule sur ce segment de marché ! La société française Qivivo commercialise depuis deux ans un thermostat « apprenant » pour chaudières et convecteurs électriques. Ce thermostat « intelligent » est livré avec un module lui perme ant de communiquer par liaison wi avec la box internet du domicile. C’est par voie IP (internet protocol) que se fait le processus d’apprentissage : les données collectées par le thermostat (température ambiante) sont routées vers le logiciel d’apprentissage déporté sur le cloud. En retour, ce logiciel pilote le thermostat pour adapter le fonctionnement du chau age aux besoins réels du foyer. Plus besoin d’ajuster le thermostat, il se gère comme un grand ! La connexion internet permet toutefois à l’usager de reprendre la main pour piloter le thermostat via le terminal de son choix (ordinateur, téléphone ou table e).
Garder la maîtrise
En analysant nos données, les OC deviennent en quelque sorte les boîtes noires de notre quotidien. Ce qui n’est pas sans susciter, à juste titre, des interrogations, voire des inquiétudes. La protection des données personnelles en est une, ce dont témoignent plusieurs sondages. Mais dans une plus grande mesure, la crainte d’une dépendance aux OC se fait jour : l’assistance, voire la prévenance, prodiguées par les OC peuvent nous incliner à nous reposer sur eux et, du coup, « anesthésier » notre sens pratique. En prenant le pas sur un pilotage manuel, les OC, par leur autonomie, pourraient même reme re en cause notre libre arbitre ! Une angoisse viscérale – et une source inépuisable d’inspiration pour auteurs de science- ction – qu’il serait sain de ne pas occulter. C’est donc à chacun de ne pas se laisser dominer par des OC aux fonctionnalités trop envahissantes : si un four connecté peut nous être utile en nous alertant sur la température optimale de cuisson d’un rôti, le cuisinier reste le chef ! L’avenir (très) proche nous dira si les OC vont s’imposer à nous. C’est en tout cas ce que prophétisent leurs promoteurs. En a endant, penchons-nous sur ce que nous dit le présent. Pour l’heure, les OC intéressent surtout les jeunes, les urbains, les catégories socioprofessionnelles supérieures et ceux que l’on regroupe sous le vocable, quelque peu galvaudé, de « geek ».
La force du design
Posséder un OC, c’est, quelque part, être à l’avant-garde. Car outre leur technologie de pointe, de nombreux OC jouent la carte du design. L’OC se doit aussi – d’abord ? – d’être un bel objet. La leçon administrée jadis par l’iPhone d’Apple a fait des émules : pour s’imposer dans nos foyers, les OC devront également susciter notre désir de les toucher, de les posséder… Le thermostat de Nest (société fondée par des anciens d’Apple) en est l’illustration. Avec la dématérialisation des biens culturels ( livres, musique, oeuvres audiovisuelles…), les OC sont appelés à jouer, dans des intérieurs toujours plus épurés, un rôle ornemental ou « décoratif », en lieu et place des bibliothèques, des chaînes hi , des étagères de disques… Mais une chose est sûre : les OC ne feront pas que meubler !