Les Causses du Quercy
Parsemé des villages en pierres blondes, ce pays de plateaux entaillés de rivières affiche une architecture d’une séduisante diversité.
Les Causses du Quercy, dans le département du Lot, forment un ensemble de plateaux calcaires entaillés par les vallées sinueuses et majestueuses du Lot et de la Dordogne, et par celle, plus sauvage, du Célé. Ces vallées individualisent, du nord au sud, les Causses de Martel, de Gramat et de Limogne.
Un bâti aux couleurs des terroirs
Parfois massives, mais jamais lourdes, les maisons traditionnelles du Quercy ont beau avoir presque toujours un « bolet » et un pigeonnier, elles offrent chaque fois un visage différent ! Dans les vallées,
accrochées aux falaises taillées par la rivière, les maisons d’artisans et de marchands s’agglutinaient autour d’une demeure forte qui leur offrait sa salutaire protection. Elles s’alignent alors, le long de ruelles étroites et escarpées. Lorsqu’on les découvre depuis le causse, ces villages apparaissent comme une cascade de toits. À deux ou quatre pentes, couverts de tuiles plates, mécaniques ou canal, ils sont animés de nombreuses lucarnes et tourelles. Leurs murs sont en moellons grossiers, noyés dans un mortier couleur de sable, rejointoyés à « pierres vues ». Ils ont la couleur du rocher sur lequel ils ont poussé, un blanc ocré que le temps patine de gris. Sur le causse, des murets de pierres sèches séparent les parcelles de pâturage. Ils sont le résultat du patient travail d’épierrement accompli par plusieurs générations de bergers. Faits avec la même pierre, les villages et hameaux semblent sertis dans ce paysage rude et sec. Maisons et dépendances s’imbriquent le long de rues qui s’élargissent en forme de place commune, le « couderc ». Pas d’alignement, mais une implantation qui facilitait la vie rurale. Sur les toits, les lauzes ont presque
disparu et, avec elles, l’austérité de ces constructions toutes minérales.
Une architecture adaptée
La conception des bâtiments reste révélatrice de l’activité d’autrefois : la polyculture et l’élevage auxquels s’ajoute la vigne. Granges et bergeries sont des constructions séparées, posées à proximité de la maison d’habitation presque toujours sur cave. Parfois prolongée d’un bâtiment agricole, cette maison est si bien conçue qu’on retrouve ses principaux caractères un peu partout dans le Quercy, déclinés suivant les matériaux et les coutumes de chaque petit pays. Elle est bâtie en hauteur, suivant le principe d’une maison-bloc. Au rez-de-chaussée se trouvent une surface de travail et une cave. On accède au logement grâce à un escalier donnant une terrasse extérieure. Une tour pigeonnier, accolée sur l’un des pignons, lui donne parfois des airs de petit château.
L’escalier et « lou bolet »
Il aborde souvent la maison de face, mais il peut aussi s’appuyer sur le mur de façade. Les marches sont larges, monoblocs taillés dans une belle pierre dure. Le mur d’échiffre, qui soutient les abouts de marches, se prolonge pour constituer une rambarde que chapeautent de longues dalles plates. L’escalier ne conduit pas directement à la porte d’entrée. Il donne sur « lou bolet », une terrasse couverte d’un auvent soutenu par des colonnes monolithes ou des poteaux de bois, selon le pays. De quelques mètres, carrés pour les plus modestes, ou véritables galeries lorsqu’il suit toute la longueur de la façade, cet espace ouvert donne à chaque maison sa propre personnalité. Dallé de grandes pierres plates, il était utilisé comme annexe à la cuisine. On y aperçoit souvent un évier de pierre.
Quant à la toiture méditerranéenne, elle domine au sud de la vallée du Lot alors qu’au nord, les toits à forte pente sont
les plus fréquents. Mais c’est la diversité des matériaux de couverture et l’art de les approprier qui restent vraiment étonnants ! La lauze était, sur les Causses, le matériau le plus accessible. En hiver, le gel fait éclater la pierre dure en plaques épaisses que l’on utilisait pour édifier, sans charpente, les toits des « caselles ». Quant aux toits des maisons, ils étaient probablement couverts de chaume. Les toitures végétales ont souvent été remplacées par des tuiles plates, excepté en rives où apparaissent encore des lauzes. Mais, la plupart du temps, la charpente a été refaite ou modifiée avec la création d’un coyau qui adoucit le bas de la pente et donne à l’eau de ruissellement l’élan nécessaire pour s’écarter des murs. D’un beau rouge sombre, la tuile plate de fabrication artisanale habille aussi bien les hauts toits à quatre versants des grandes bâtisses que les toits à deux pentes, relevés d’une croupe en pignon. Apparues à la fin du XIXe siècle, les tuiles mécaniques sont aussi très présentes et souvent utilisées pour recouvrir les coyaux dont la pente est trop faible pour la tuile plate. Plus au sud, c’est la tuile canal qui recouvre les toits dont la pente est plus faible. Elle est aussi associée à la tuile plate sur les toits à la Mansart et compose les génoises qui supportent les débords de toiture. La raison première de posséder un pigeonnier est pratique. La fiente de pigeon, la colombine, est un engrais si puissant qu’on doit le diluer pour ne pas brûler les semences. Aussi les construit-on avec un soin tout particulier. De la simple lucarne d’envol aménagée sur le pignon aux pigeonniers-tourelles qui donnent aux maisons des allures de gentilhommières, ils ont une taille et des formes si diverses qu’il est bien difficile de les répertorier. Rond et esseulé au bord d’un champ, tour carré accolée à la maison, posé sur piliers, surmonté d’un lanterneau, toit conique ou à quatre eaux... le pigeonnier a de l’imagination ! ●