Dans les îles d’Yeu et de Noirmoutier
Deux soeurs vendéennes sur l’Atlantique
Dans les îles, la tradition des menuiseries peintes de couleurs vives correspond à l’essor de la flottille de pêche. On utilisait alors le même pot de peinture pour protéger les bois, ceux des bateaux comme ceux des contrevents.
Àmi-chemin entre l’Armorique et l’Aquitaine, l’île d’Yeu est bretonne par sa côte ouest aux falaises déchiquetées, et atlantique sur sa façade orientale qui se déroule en un long ruban de sable ombragé de cyprès. Sa position stratégique en fit longtemps le premier port d’atterrage pour les navires revenant d’Amérique et se dirigeant vers La Rochelle, Nantes ou Lorient.
Yeu, une île tant convoitée
Sentinelle en avant du rivage, l’ île fut peuplée de gens d’origine poitevine, mais hébergea des familles de pêcheurs basques, avant d’accueillir les marins
bretons qui participèrent à l’essor de la pêche, au début du siècle dernier. Plusieurs fois envahie, maintes fois prise d’assaut, elle est toujours restée en étroite relation avec le continent grâce au cabotage. À bord de leurs chasse-marées au faible tonnage, les marins ogiens, véritables « rouliers de la mer », ont longtemps assuré une grande part du commerce maritime en longeant les côtes de Bordeaux jusqu’en mer du Nord. Ainsi, Port-Joinville, qui portait alors le nom de Port-Breton, devint, à la fin du XVIIe siècle, le second port d’armement du commerce bordelais.
L’alliance d’influences diverses
L’intensité des relations commerciales encouragea les échanges de traditions et de savoir-faire. L’habitat islais en a conservé les traces. Derrière leurs enduits blanchis, les murs sont construits en granite local ou en pierres de lest. Mais sur cette île granitique, pas le moindre caillou calcaire, si bien qu’il n’y eut jamais de four à chaux. Pourtant, la tradition veut que, chaque année, les façades s’embellissent d’une nouvelle couche de badigeon. La chaux si bien ancrée dans les traditions arrivait donc depuis fort longtemps par bateau, très probablement des régions aquitaines riches en calcaire. Les tuiles creuses qui recouvrent les toits ressemblent à celles de Vendée, mais elles s’en différencient par leurs dimensions. La tuile « tige de botte » utilisée à Yeu est une tuile de Gascogne, de couleur ocre rose, qui arrivait par la mer. Sa grande longueur (50 cm) permet un large recouvrement des tuiles. Néanmoins, la technique de pose reste très fidèle au savoir-faire du Bas-Poitou. Chaque tuile de rive est pigeonnée, c’est-à-dire scellée par un cordon de mortier de chaux pour former une toiture bien étanche qui offre peu de prise au vent.
D’hier à aujourd’hui
Bien que le nombre de résidences secondaires dépasse celui des maisons habitées toute l’année, l’ensemble du bâti présente une certaine homogénéité. Dans la construction ou dans la
restauration de vieilles bâtisses, les vacanciers comme les Ogiens s’appliquent à préserver le caractère de leur île. Les volumes construits adoptent la simplicité des vieux ensembles composés d’ajouts successifs. Les hameaux se densifient, les côtes sont encore relativement protégées, mais, comme dans nombre de ces petits coins de paradis pour estivants, les jeunes islais ont bien du mal à rester au pays à cause de la hausse des prix de l’immobilier.
Noirmoutier, le plat pays
Noirmoutier, à fleur de mer
Parce qu’ils cultivent la mer autant que la terre, les Noirmoutrins livrent depuis toujours un incessant combat pour défendre un territoire largement emprunté à l’océan, une île où rien n’est plus haut que les toits pointus des moulins à vent... Derrière le cordon dunaire qui borde toute sa frange ouest, l’île apparaît comme un plat pays. Ses polders et ses moulins lui valurent le surnom de « petite Hollande », mais son climat, ses maisons et sa végétation lui donnent une atmosphère méridionale. Deux fois par jour, le Gois, une chaussée submersible, la relie au continent. Le pont construit en 1971 ne parvient pas à effacer son insularité, son âme d’île pourtant bien réelle. Car bien avant
l ’aménagement du Gois qui reste aujourd’hui une curiosité unique au monde, l’île vivait essentiellement du sel jusqu’à ce qu’elle accueille, au début du XXe siècle, les premiers amateurs de bains de mer.
Vivre avec les moyens du bord
Le blé et le sel ont longtemps constitué la plus grande richesse de l’île. Les travaux d’assèchement des marais furent entrepris par les moines dès le VIIe siècle. Inspirées par les Hollandais venus s’installer sur l’île au XVIe siècle, de nouvelles opérations d’assèchement, de type polders, ont permis d’augmenter encore les surfaces exploitées en marais salants. Durement concurrencées au début du siècle, les exploitations salicoles connaissent aujourd’hui un nouvel essor, offrant des produits d’excellente qualité. En revanche, la culture de la pomme de terre a totalement remplacé celle des céréales dont les nombreux moulins sont les uniques témoins.
La mer grignote l’île par endroit
Et construire en composant
Le nord de l ’ île est formé d’un socle granitique. Le sud et l’ouest sont faits de dépôts d’alluvions. La belle pierre à bâtir est donc difficile à trouver, car les champs ne recèlent que de rares moellons. L’océan fournissait bien quelques galets que l’on utilisait dans les zones côtières.
Il y avait aussi des pierres de leste, abandonnées par les vaisseaux marchands. Toutes ces pierres de nature extrêmement variée se retrouvent dans les maçonneries anciennes. Les murs sont alors recouverts d’un enduit pour protéger les pierres les plus fragiles et, surtout, le maigre mortier des joints fait de terre argileuse et de sable marin. La chaux était rare. On l’utilisait avant tout pour le chaulage des maisons, initialement à l’intérieur et à l’embrasure des fenêtres pour améliorer la luminosité du logis. Puis au début du XXe siècle, les matériaux arrivent du continent pour bâtir les belles villas balnéaires du Bois de la Chaise et, partout, les façades s’illuminent de blanc donnant aux villages un caractère presque méditerranéen ●
En quête de pierres