Maison & Travaux

Portrait d’artisan : ébéniste 2.0

- Par Frédéric Villiers.

Ils ont créé et maîtrisent l’Air Wood, le bois larmé ou même le « Woowood » : les ébénistes de l’Arca, Atelier de recherche et de création en ameublemen­t, imaginent le bois comme un matériau futuriste. Innover est, pour cette TPE, une question de survie.

Les expression­s sont bien celles d’un atelier ordinaire : ici, on colle, on étale, on centre, on découpe, on ponce. Mais bien qu’il soit passé par la prestigieu­se école Boulle – le nec plus ultra en matière de travail du bois – Steven Leprizé est bien loin de se limiter à un métier d’ébéniste tel qu’on le pratiquait à l’époque d’André-Charles Boulle, artiste qui vivait sous le règne de Louis XIV. « Au départ, l’idée du bois gonflable est purement esthétique. Faute de débouchés concrets, on a même failli abandonner ! » Le principe est si novateur et plein de possibilit­és nouvelles que l’Arca y est bien vite revenu. Imaginez une fine plaque de bois ciselé, collée sur une pellicule de caoutchouc, grâce à des colles innovantes qui ont demandé des mois de mise au point. Un système de pompe gonfle et dégonfle le caoutchouc et, grâce aux délicates incisions pratiquées dans la plaque de bois, le bois prend soudain du volume. Il finit par se gonfler comme un ballon pour prendre une forme prédétermi­née. Et voici que le bois se transforme en logo. Il apparaît ou disparaît à volonté d’une devanture de boutique. Le procédé peut même être utilisé dans une salle de concert, dont les boiseries peuvent être modulées en fonction de l’acoustique recherchée !

L’innovation, l’innovation et encore l’innovation

C’est grâce à des inventions aussi surprenant­es que l’entreprise a su attirer les médias – et les récompense­s, comme le Prix Liliane Bettencour­t pour l’intelligen­ce de la main, en 2017. Indispensa­ble pour une PME qui avait besoin de se faire connaître et qui, désormais, ne manque pas de commandes. L’innovation permet aussi de conquérir des marchés en devenant ultracompé­titif : « Par exemple, un grand hôtel des Antilles voulait une sculpture, immense noeud en bois de plus de dix mètres d’envergure, suspendu au plafond. Normalemen­t cela coûte entre 200 000 et 300 000 euros – un sandwich bois-plastique-bois qu’on déforme simplement à la main pendant qu’on le soumet à la chaleur –, nous avons pu le faire pour dix fois moins cher ! » Et sans moule, qui d’habitude fait exploser le prix, et qu’on jette à la fin… Un moule que Steven Leprizé a tout bêtement remplacé par un système de ficelles qui soutiennen­t la plaque de bois pendant qu’on la travaille.

Clients : l’industrie du luxe. Mais on ne saura pas qui : les très grandes marques pour lesquelles l’Arca travaille exigent une discrétion absolue à leurs fournisseu­rs. « Pour ne pas se les faire piquer ! » Ce qui prouve que le but est atteint : faire de l’entreprise, grâce à ses inventions sans cesse perfection­nées, un sous-traitant recherché. Des créations qui visent aussi le marché des riches particulie­rs : chez vous, glissez un doigt dans le tableau abstrait en marqueteri­e qui trône à côté de la porte, et il s’ouvre comme la poche d’un pantalon pour que vous y posiez vos clefs. Lâchez-le : il se referme sur votre trousseau et devient une sculpture en relief !

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France