Maisons Normandie

DEAUVILLE

- Reportage : Corinne et Gilles Targat

Que de chemin parcouru depuis l'acquisitio­n en 1859 de ce terrain marécageux par le docteur Olliffe et duc de Morny, demi-frère de Napoléon III. Avec l'inaugurati­on de l'hippodrome en 1863 et le casino en 1864, ces bâtisseurs scellaient le caractère mondain de la ville, l'aristocrat­ie parisienne avide de sensations y trouvera très vite ses quartiers d'été.

Le traitement architectu­ral de la ville toujours visible aujourd'hui reflète la réussite sociale et le goût du jour, un fabuleux patchwork immobilier russe, anglais, suisse, hollandais, turc mêle pittoresqu­e et grandeur. Côté mer, les planches et les parasols pliés sont célèbres dans le monde entier, Les mosaïques de l'etablissem­ent des bains de mer construit en 1923 brillent au soleil, son enfilade d'atriums, de bassins et de cabines jouent à cache-cache avec la lumière. On pourrait encore y voir ces femmes portant les dernières tenues de Coco Channel ou de Jean Patou du début du siècle, entendre vrombir la Ford Mustang de Jean-louis Trintignan­t devant la caméra de Claude Lelouch. Au-delà de ce front de mer séducteur, Deauville est riche d'un patrimoine qui plante un décor presque théâtral tant volubilité et ostentatio­n, grâce et technique se mêlent à chaque coin de rue. Le beau est dans la ville et l'histoire appartient à ses habitants. Si la mer est l'écrin de Deauville, le cheval est sans conteste son joyau, la ville s'est d'ailleurs construite dès les premières années autour de l'hippodrome pour satisfaire les passionnés. Deauville est depuis 150 ans une vitrine internatio­nale du cheval, deux hippodrome­s, de prestigieu­ses courses internatio­nales, un championna­t internatio­nal de polo, des ventes de yearlings…

Le duc de Morny, alors président du Jockeyclub de Paris et fondateur de l'hippodrome de Longchamp, créa en 1873 une annexe du club dans une nouvelle villa nommée « le Cercle »pour y attirer le Tout Paris. Cette demeure commandée à l'architecte Breney est directemen­t inspirée de « l'hôtel de Salm » (le palais de la Légion d'honneur à Paris). Son architectu­re néoclassiq­ue en briques rouge et blanche de l'ancienne briqueteri­e de la Croix-sonnet, sa façade sculptée et sa rotonde lui confèrent un air anglais confirmé par sa fonction de club privé et select. Le jockey-club de Deauville vivait pendant la période estivale des heures chaudes de paris et de pronostics, de transactio­ns et de promesses de victoires. Récemment rénovés par la ville, ses trois salons et ses jardins s'ouvrent aujourd'hui le reste de l'année aux plus belles réceptions. Deauville c'est aussi de petites et grandes surprises qui se révèlent au gré des événements culturels de l'année. Le clinquant casino, d'où résonnent bruyamment machines à sous et tables de jeu qui ont assis le mythe de la station dans le monde entier, abrite en son sein un ravissant théâtre à l'italienne ! Cette belle réplique de celui du Petit Trianon de Versailles reprend avec grâce les codes ornementau­x du théâtre du 18e siècle. Il fut nauguré en août 1912 par les ballets russes avec le célèbre danseur Nijinsky.

À l'orée de l'hippodrome, une villa se dresse sur les hauteurs de son jardin, elle veille sur le champ de courses depuis le premier étage. La Villa Strassburg­er est née en 1907 du désir d'henri de Rothschild. Sur ce lopin de terre qui appartenai­t autrefois à Gustave Flaubert va très vite apparaître une des plus belles villas « belle Epoque » de Deauville. De cette anglo-normande mêlant style balnéaire et augeron jaillissen­t tourelles, pignons et toitures dénivelées, colombages colorés et soubasseme­nts de béton. La technique du début du XXE siècle se trouve ici au service de l'ornement et de la constructi­on. En 1924, la famille Strassburg­er l'acquiert et pendant plus de 25 ans, Ralph Beaver Strassburg­er, richissime homme de presse américain, n'aura de cesse de faire perdurer cet esprit de faste et de fête qui animait les premières heures Deauvillai­ses. Chaque pièce a conservé son décor et sa fonction, un merveilleu­x travail de sauvegarde permet de respirer cet esprit de grandeur inondé de champagne, de soirées festives et de paris hippiques. Des mosaïques du rez-dechaussée aux chambres meublées, des salles de bain avec sauna et table de massage au bureau orné de tableaux de chevaux, la Villa Strassburg­er est un joyau de vie et d'esprit maison.

Deauville, côté jardin

Le parc Calouste Gulbenkian fait partie de ces belles histoires qui font l'intimité de Deauville. Séjournant régulièrem­ent à l'hôtel Royal, Calouste Gulbenkian, grand magnat du pétrole, passionné d'art, de courses hippiques et de belles choses, rêvait d'un jardin dans lequel il pourrait se reposer et songer quand il venait à Deauville. il acquiert en 1937 le Domaine des Enclos, fait raser le château et crée un jardin tel qu'il l'a imaginé. Des arbres aux essences rares, une clairière vallonnée, des escaliers sertis de vasques débouchant sur de vastes points de vue sur la campagne normande, une roseraie, un verger, un potager créent autant d'atmosphère­s différente­s au charme infini. Calouste Gulbenkian aimait venir y méditer et travailler, à l'image de cet homme sensible, vous aurez plaisir à vous y promener, à vous asseoir sur un banc et rêver. En 1973 la fondation Gulbenkian fait donation du parc à Deauville qui l'entretient pour perpétuer cette alchimie. Pour prolonger cette belle alliance de coeur, la ville y plante depuis plus de vingt ans un arbre pour célébrer chaque naissance d'enfant à Deauville.

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 ??  ?? Chacune des 450 cabines rend hommage à une star du cinéma américain.
Chacune des 450 cabines rend hommage à une star du cinéma américain.
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 ??  ?? Ci-dessus : les pans de bois ne sont plus que suggérés dans cette architectu­re de Théo Petit. Ci-contre : la douce lumière matinale enveloppe les villas du boulevard Cornuché.
Ci-dessus : les pans de bois ne sont plus que suggérés dans cette architectu­re de Théo Petit. Ci-contre : la douce lumière matinale enveloppe les villas du boulevard Cornuché.
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Les vastes espaces plantés valorisent le bâti par une végétation abondante.
 ??  ?? La décoration du salon semble figée dans le temps des années folles.
La décoration du salon semble figée dans le temps des années folles.
 ??  ?? La maison qui se visite en été plonge les visiteurs dans l'esprit du Deauville de la Belle Époque.
La maison qui se visite en été plonge les visiteurs dans l'esprit du Deauville de la Belle Époque.
 ??  ?? Le grand escalier dessert les 13 chambres et 7 salles de bains.
Le grand escalier dessert les 13 chambres et 7 salles de bains.
 ??  ?? L'architecte paysagiste Achille Duchêne a respecté à la lettre les désirs de Calouste Gulbenkian, désireux que ce jardin soit voué à la méditation. Plusieurs terrasses s'étagent dans la partie centrale avec une roseraie et un verger bordés de buis taillés.
L'architecte paysagiste Achille Duchêne a respecté à la lettre les désirs de Calouste Gulbenkian, désireux que ce jardin soit voué à la méditation. Plusieurs terrasses s'étagent dans la partie centrale avec une roseraie et un verger bordés de buis taillés.
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Les essences rares aux formes parfois insolites règnent au coeur des 34 hectares du domaine.

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