Maisons Normandie

LA PART DE MYSTÈRE DE LA NORMANDIE

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Terre de partage, terre frontalièr­e, le Vexin Normand a bâti son existence sur une double identité se perdant avec le temps. Du fond de ces époques, les hommes ont véhiculé leurs rêves, leurs croyances et leurs peurs jusqu’à nos jours, mêlant alors l’histoire du pays à la leur. L’abbaye de Mortemer, Château Gaillard et le château de Gisors, sont ainsi à la croisée de contes et de légendes qui nous parlent encore.

La Dame Blanche L'abbaye cistercien­ne fut fondée en 1134 à la demande d'henri Ier Beauclerc, 4ème fils de Guillaume le Conquérant,et de sa fille Mathilde, épouse de Geoffroy Plantagenê­t.

Mathilde « l'emperesse », bienfaitri­ce de l'abbaye, contribua à son embellisse­ment et y séjourna souvent. Elle y fut même « emmurée » par son père durant plusieurs années pour la punir de sa vie jugée trop frivole. Enfermée, solitaire, elle revient depuis maintenant plus de huit siècles hanter les lieux comme une âme en peine.

La légende dit que si vous la voyez portant des gants noirs, vous trépassere­z dans l'année. Si elle arbore des gants blancs, elle annonce un mariage ou une naissance. Une photograph­e en visite aurait un jour eu la surprise de voir apparaître sur un cliché une forme lumineuse : serait-ce la Dame Blanche ?

Stupeur et contemplat­ion à l’abbaye de Mortemer

L'abbaye de Mortemer invite par un philtre inspirateu­r à la flânerie romantique parmi les ruines du Xiième siècle nichées dans une végétation luxuriante.

Plus loin, les étangs, anciens marécages domptés par les moines cistercien­s, laissent une impression confuse tant l'atmosphère est sensible aux moindres signes naturels ou surnaturel­s dans ce cadre idyllique et troublant à la fois.

Le Musée des Fantômes et des Légendes

Dans l'aile sud du réfectoire du XVIIÈME siècle, le soussol présente la vie monacale dans les premières salles. Un son et lumière fait jaillir du lavabo du Xiième siècle la fontaine Sainte-catherine visitée par les jeunes filles à marier. La mise en scène répond à l'histoire contée : celle de ce paysan, en 1884, qui a vu un soir de pleine lune la « Garrache », une femme ensorcelée transformé­e en louve condamnée à errer. Mathilde ou Mélusine, filles de la nuit, hantent ces lieux, les esprits et les rêves. Dans le cellier du Xiième siècle, le silence se fait pesant, les quatre derniers moines de l'abbaye y furent massacrés sous la Révolution. Depuis, quatre formes blanches reviendrai­ent hanter le lieu. A l'étage, les pièces aménagées du XVIIÈME siècle sont richement meublées, mais elles n'en gardent pas moins des traces inquiétant­es. Ceux qui ont vécu à Mortemer ont tous entendu des pas la nuit, des mouvements dans leur dos…

La majesté imprenable de Château Gaillard

Les ruines de Château Gaillard dominent encore de leur superbe la courbe de la Seine et le Petit Andely, un site exceptionn­el qu'avait choisi Richard Coeur de Lion pour s'y établir. Des histoires et des légendes habitent encore la forteresse bâtie en 1198, à commencer par l'exclamatio­n de Richard devant la fière allure du château « que voilà un château gaillard !»

Des horreurs et des prouesses

Construit en treize mois seulement, le château était l'objet de superstiti­ons. On raconte que les bâtisseurs eurent un mauvais pressentim­ent quand une pluie de sang serait tombée sur eux. L'histoire leur donnera raison car Richard succombera en 1199. Philippe Auguste, roi de France, assiègera le château en septembre 1203, en janvier 1204, les habitants du Petit Andely venus se réfugier sont renvoyés hors les murs et coincés face aux camps adverses mourant tous de froid et de faim. Pour conjurer ce sort, l'histoire raconte que les français trouvèrent la faille inquisitri­ce par la fenêtre des latrines

Une bien salissante version de l'histoire qui s'est avérée fausse après des fouilles. Une légende subsiste aussi autour de la détention en 1314 de la belle-fille de Philippe le Bel, Blanche de Bourgogne: elle ne serait pas morte à Château Gaillard un an après son arrestatio­n pour adultère mais plus paisibleme­nt en 1333 au château de Couches, en Bourgogne. Lors de la visite du site, on peut être étonné par un trou béant au centre du donjon et croire à un éboulement naturel : il s'agit en fait d'une ouverture grossière crée au début du Xixème siècle pour la visite de Marie-thérèse d'angoulême, fille de Louis XVI, qui n'avait pas envie de froisser ses jupons !

Gisors, entre fantasme et féerie

Sis sur sa motte féodale originelle de 1097, le château est le fruit de multiples campagnes de travaux dont celle entamée sous Henri II Plantagenê­t au Xiième siècle. La tour du Prisonnier (nommée ainsi au Xixème siècle) s'impose dès le XIIIÈME siècle après la conquête par Philippe Auguste de la forteresse. De superbes gravures et des bas-reliefs témoignent sans doute possible de son rôle geôlier même si les graffitis sont emplis d'un sens caché, mais qu'en estil du Trésor des Templiers qui occupe encore autant les esprits, ou presque, à Gisors ?

Le jardin secret

Dans les années 1940, Roger Lhomoy, jardinier du château devenu propriété de la ville, va se lancer dans une folle course au trésor.

Il trouve en creusant des excavation­s impression­nantes, qui s'avèrent être les souterrain­s du château. En fouillant plus profondéme­nt encore, il croit voir une crypte avec des coffres au trésor !

Il demande de l'aide à la municipali­té mais personne n'ose descendre dans ce trou si dangereux, ce vieil homme est pris pour un fou !

L'affaire est classée.

L’homme par qui le mythe arrive

Lorsqu'il raconte son histoire à Gérard de Sède, écrivain-journalist­e, dans les années 60, le jardinier ne sait pas encore qu'il va être à l'origine d'une des plus grandes mystificat­ions du Xxème siècle. De Sède va publier un article dans un hebdomadai­re à fort tirage, puis un livre qui va déclencher les passions. S'appuyant à la fois sur la légende du Trésor des Templiers et sur l'histoire du château, il va créer de toute pièce une légende qui fera même douter André Malraux, le ministre de la Culture de l'époque qui fera faire des fouilles infructueu­ses sur le site. Un possible mais court séjour des Templiers dans les années 1160 suffit-il au journalist­e pour élaborer une telle histoire ?

Le fantasme si répandu du fabuleux Trésor des Templiers éveillait-il encore au milieu du Xxème siècle autant de folies ?

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Le pigeonnier du 18e siècle est couvert d'une splendide charpente de châtaignie­r à lanternon.
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au centre du domaine, la grande bâtisse de la fin du 18e siècle a perdu sa vocation religieuse à la révolution quand les derniers moines furent massacrés dans le cellier.
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 ??  ?? Ci-contre / Ci-dessous : les sous sols abritent le musée des outils, le four à pain et une cellule monacale
Ci-contre / Ci-dessous : les sous sols abritent le musée des outils, le four à pain et une cellule monacale
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 ??  ?? Ci-contre : L'aura de Mathilde l'emperesse hante les murs de l'abbaye. Ci-dessous : Dès le 12e siècle, Mortemer fut la première l'abbaye vouée à l'ordre cistercien en Normandie.
Ci-contre : L'aura de Mathilde l'emperesse hante les murs de l'abbaye. Ci-dessous : Dès le 12e siècle, Mortemer fut la première l'abbaye vouée à l'ordre cistercien en Normandie.
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La randonnée autour du château propose un splendide panorama sur la Seine qui borde le Petit-andely.
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Ci-dessus / Ci-contre : Il ne reste aujourd'hui de l'église du 12ème siècle, que quelques pans
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Le système de constructi­on était volontaire­ment complexe afin de dérouter les assaillant­s par de nombreux obstacles à franchir.
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 ??  ?? Les brumes matinales révèlent l'âme tourmentée de la forteresse.
Les brumes matinales révèlent l'âme tourmentée de la forteresse.
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en prenant de la hauteur, le plan complexe de la forteresse se dévoile.
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Ci-dessous :
 ??  ?? Ci-contre : Depuis la route, on comprend aisément l'intérêt défensif d'une constructi­on au sommet de la falaise à quelques cent mètres d'altitude. Château Gaillard continue d'inspirer les esprits férus de récits de chevalerie.
Ci-contre : Depuis la route, on comprend aisément l'intérêt défensif d'une constructi­on au sommet de la falaise à quelques cent mètres d'altitude. Château Gaillard continue d'inspirer les esprits férus de récits de chevalerie.
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 ??  ?? Vraies légendes ou fausses histoires, la déambulati­on dans les caves du château plonge le visiteur dans une atmosphère hors du temps.
Vraies légendes ou fausses histoires, la déambulati­on dans les caves du château plonge le visiteur dans une atmosphère hors du temps.
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Le soleil qui se fraie un passage vient mettre en lumière ce patrimoine chargé de mystères.
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Le château primitif de Gisors est établi sur une motte castrale d'environ 15 mètres de haut
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Ci-contre : De nombreux graffitti qui ornent les murs ont été réalisés entre le XVE et le XVIE siècle.
Ci-dessus : La superficie du château a été augmentée par la création d'une enceinte bordée par un fossé, qui se développe sur près de 200 mètres. Ci-contre : De nombreux graffitti qui ornent les murs ont été réalisés entre le XVE et le XVIE siècle.
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 ??  ?? Des visites guidées par des guides du patrimoine vous permettent d'accéder au donjon et de descendre dans les caves.
Des visites guidées par des guides du patrimoine vous permettent d'accéder au donjon et de descendre dans les caves.

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