Marie Claire Enfants

Mais alors? Qu’est-ce qu’on fait?

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(oui, on en est encore là), de « salope » (toujours, aussi) ou (injure suprême des cours de récré actuelles) de « fragile ». Béatrice Copper-Royer reconnaît que les réseaux sociaux ont donné une nouvelle dimension aux petits et grands conflits de l’enfance : «Désormais, ils sortent de l’enceinte de l’école ou du collège, il n’y a plus de limite d’unité de lieu et tout peut prendre une tournure différente.» Benoît, 48 ans, se souvient : «Au collège, j’étais chétif, lunaire, j’écoutais Chet Baker alors que les autres ne juraient que par Michael Jackson, et je collection­nais les papillons… Autant vous dire que je détonnais. Mes récrés étaient un enfer! Mais une fois chez moi, je pouvais tout oublier au son d’Alone Together. Aujourd’hui, les insultes me rattrapera­ient jusque dans ma chambre ! Heureuseme­nt, mes deux ados sont moins boloss que moi, il n’empêche que je tremble pour eux.»

Il est vrai qu’à travers les problèmes sociaux de nos petit·e·s, ce sont parfois nos propres traumatism­es d’enfance que nous revivons… Souvenez-vous, messieurs, de votre angoisse de ne pas paraître assez viril dans le vestiaire de la piscine. Souvenez-vous, mesdames, des disputes entre amies vécues comme de vrais chagrins d’amour. Souvenez-vous, tou·te·s, de ces anniversai­res ou ces boums où vous n’étiez pas invité·e·s. Camille, 32 ans, se souvient : « Les relations à l’école étaient difficiles pour moi, au point que j’ai fini par développer une réelle phobie scolaire. Avec le recul, je me rends compte que je me conduisais systématiq­uement en victime, ce qui encouragea­it l’agressivit­é de mes camarades. J’ai aujourd’hui une fille en moyenne section. J’ai découvert qu’une de ses copines la frappait régulièrem­ent. J’en ai parlé à la maîtresse et a priori le problème est réglé, mais Eva soutient que cela continue. Je suis un peu perdue, est-ce qu’elle réitère un schéma?» Camille, encore marquée par sa propre expérience, n’a pas fini de se poser des questions, car les amitiés enfantines sont souvent compliquée­s, notamment chez les fillettes… Julia, enseignant­e en primaire, le constate régulièrem­ent : «Les filles sont des dragons entre elles, c’est un psychodram­e permanent ! » La sentence peut sembler un tantinet sexiste, mais elle est bien réelle. Béatrice Copper-Royer nous le confirme : «Il y a souvent un système de cour chez les petites filles, avec la reine de la ruche et ses courtisane­s… » Dans Premiers émois, premières amours, elle expliquait ce phénomène par le fait que les fillettes déchargeai­ent moins leur énergie que les garçons à travers des jeux de ballon ou des courses… Julia, notre professeur­e des écoles, en atteste : «Pendant que la plupart des gars s’agitent, les filles restent souvent en petit groupe, et discutent, discutent…» Et de discuter à se disputer, il n’y a qu’un pas, à cet âge-là… Mais pour Béatrice Copper-Royer, cela ne provoque pas toujours les souffrance­s qu’on imagine : «En cabinet, je constate souvent, en écoutant une maman me raconter les conflits auxquels est confrontée sa fille, que cette dernière s’agace de l’entendre, comme si le récit lui en paraissait finalement très exagéré, hors contexte.» Tout d’abord, on se calme… Selon Béatrice Copper-Royer, nous ne devons nous en mêler que si nous sentons que nos enfants souffrent réellement de la situation. Ensuite, plutôt que d’apporter des solutions toutes faites, il est bon, nous dit-elle, d’amener nos petit·e·s à se demander comment ils·elles pourraient changer les choses : « Parfois, il vaut mieux écouter l’enfant nous raconter ses soucis, plutôt que de se précipiter sur le téléphone pour appeler le·la professeur·e ou la mère… Donnonsnou­s, toujours, un temps de latence.» Que celle (oui, on avoue, ce sont souvent les mères) qui n’a jamais pensé à appeler «la maman de», sous prétexte que son «bébé» n’avait pas été invité à un anniversai­re, nous jette la première piñata… Après l’écoute, on console. Mais pas sur l’air de « C’est rien tous que des méchants, y a que maman qui te comprend!» Même si c’est vrai (on plaisante!)… Camille Faucon, auteure du livre Les super parents c’est vous ! (Éd. Leduc.s), suggère : «Parlez-lui de vous (…), de vos émotions, de vos souvenirs d’enfance, de vos propres difficulté­s… En s’adaptant à son âge, bien sûr.» C’est ce que fait Charlotte : «Quand ma fille me parle de ses disputes avec ses amies, je lui explique qu’à l’âge adulte, c’est parfois compliqué aussi. J’ai justement rompu avec une amie de longue date, sans trop comprendre pourquoi, et cela me rend triste aussi.» Pour redonner confiance à l’enfant qui se sent rejeté·e à l’école, Virginie Bapt suggère quant à elle de « diversifie­r les lieux de socialisat­ion ». Pas de potes au collège ? Pourquoi ne pas s’en chercher dans une équipe de basket ou un club d’échecs?

Que faire, par ailleurs, face au spectre du harcèlemen­t?

On peut déjà prendre les devants en reculant l’âge des premiers réseaux sociaux.

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