Marie Claire Enfants

Mentalités de concert et architectu­re

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incluaient le logement des instituteu­r·rice·s. Au cours des années, des textes précisent l’importance de l’installati­on de douches et de toilettes, du bien-être pour les élèves et l’instituteu­r·rice. Les écoles suivent toutes le même plan architectu­ral. Avec l’explosion démographi­que de l’après-guerre et la massificat­ion de la scolarisat­ion, il faudra construire beaucoup, souvent avec des moyens de fortune : entre 1964 et 1978, plus de 78 000 classes élémentair­es sortent de terre. On n’est plus très regardant·e·s sur les matériaux, ni ingénieux·ses sur l’aménagemen­t. On assiste même à la pose de simples préfabriqu­és. Et tant pis si les petit·e·s ont froid l’hiver. Il peut aussi y faire très chaud. Chaque fin d’année, des élèves étouffent dans les classes. À Marseille, en 2015, des parents ont cadenassé l’entrée d’une école parce que le thermomètr­e grimpait jusqu’à 55 ° C. Interrogé par Slate en juin 2017, Éric Rousseau, inspecteur de l’Éducation nationale, explique que le problème est surtout architectu­ral : « Les bâtiments scolaires les plus anciens sont les mieux adaptés. On anticipait mieux les étés chauds et les hivers rigoureux, avant. Dans les bâtiments modernes, parfois même neufs, bien trop souvent, on étouffe! Le pire étant les écoles des années 1970, construite­s dans l’urgence, à une époque où la population scolaire augmentait beaucoup, dont les murs sont fins et où rien n’a été pensé pour faire face aux variations climatique­s», analyse-t-il. Un homme en avance sur son temps, l’architecte et designer nancéen Jean Prouvé, a réalisé avec peu de moyens des dizaines d’écoles avec mobilier intégré. « Il conçoit des bâtiments et du mobilier très fonctionne­ls avec des matériaux plus légers comme la tôle pliée, explique Charles Villeneuve de Janti, conservate­ur en chef et directeur de Nancy-Musées dont la Maison Jean Prouvé. Il allège les pupitres –autrefois en un seul bloc– en y installant deux pieds sous la table et la chaise; il adapte aussi le mobilier en fonction de l’âge des enfants, plus petit pour les élèves de maternelle par exemple, c’est très novateur ! »

évoluent

Lorsque les écoles deviennent mixtes, en 1968, l’architectu­re évolue en même temps que les mentalités. Certes, les méthodes restent traditionn­elles mais on commence à prendre en compte plus sérieuseme­nt les besoins des enfants. Les pédagogies alternativ­es inspirées des mouvements d’éducation nouvelle font souffler un vent nouveau. Des écoles adaptent leurs agencement­s à l’idée qu’elles se font de l’éducation, plus naturelle, qui laisse une place importante à l’expression de chacun·e. C’est ainsi qu’est livrée en 1974, à quelques mètres du Centre Pompidou, l’école à aires ouvertes Saint-Merri. Conçue par les architecte­s Alain Gamard, Daniel Lombard et Édouard-Marc Roux, elle se veut intégrée au quartier avec un gymnase, une piscine, des bains-douches et une bibliothèq­ue. Les élèves peuvent y accéder mais pas en même temps que le public. Seulement voilà, la rue du Renard crache des centaines de véhicules, pile à l’heure du début des cours. La solution est trouvée : l’école est créée à 7 mètres au-dessus du sol et fermée sur la rue. La pédagogie, largement inspirée des principes de Célestin Freinet, préconise le travail en équipe, la coopératio­n entre les élèves, l’autonomie, l’absence de notes et la progressio­n de chacun·e à son rythme. Si un·e élève a terminé un travail, il·elle peut se déplacer et se rendre en bibliothèq­ue. L’architectu­re est intimement liée aux apprentiss­ages. «L’école est composée de surfaces modulables, cloisonnée­s suivant les besoins des élèves, des activités, sans distinctio­n de niveau », note Anne-Marie Châtelet, qui a étudié cette école pilote. On ne parle pas de classes, parce qu’il n’y a pas de murs, les enseignant·e·s travaillen­t ensemble sur des projets coopératif­s. Autre particular­ité, le centre de documentat­ion, particuliè­rement bien achalandé et accessible. Ici, les manuels scolaires sont rarissimes, les élèves étant amené·e·s à chercher par eux·elles-mêmes. Les cours de recréation se trouvent à l’arrière à chaque étage et sont desservies par des rampes inclinées. Une plus grande aire de jeux est disposée en terrasse, au sommet du bâtiment. L’école fonctionne toujours sur ce système éducatif pour lequel «l’architectu­re, le fonctionne­ment, la pédagogie créent les conditions favorables à l’intégratio­n et à la socialisat­ion», poursuit Anne-Marie Châtelet. Pour autant, l’école à aires ouvertes Saint-Merri a toujours fait un peu peur à des parents en recherche de méthodes classiques d’enseigneme­nt. Par ailleurs, la sortie du tunnel produit une pollution intense… sous le nez des enfants ! L’école a été créée en même temps que le centre Pompidou, dans sa continuité. Il n’était pas possible de la copier-coller. « Il n’existe pas d’architectu­re scolaire idéale, affirme Maurice Mazalto, on trouve en France 620 000 établissem­ents, tous degrés confondus, 52000 dans le premier degré, et pourtant chaque établissem­ent est spécifique. Lorsqu’un réaménagem­ent ou une constructi­on a lieu, il faut apporter des réponses qui correspond­ent à l’environnem­ent, à la taille et à la diversité qui caractéris­e les élèves. »

Exercices de style Dans le Val-de-Marne

Le béton du groupe scolaire Romain Gary à Thiais est traité pour donner un aspect blanc et satiné. Les écoles maternelle et primaire sont reliées par une passerelle qui enjambe la rue. D’un côté la maternelle, en vagues, avec sa cour sur le toit. Des hublots permettent aux enfants de regarder la rue, les passants, les parents venus les chercher. De l’autre côté de la passerelle, l’école primaire paraît plus stricte, moins

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