Marie Claire Enfants

Les enfants comme moteur

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Des high-tech aux low-tech

« Les enfants ont une très grande conscience écologique mais ils représente­nt très bien le paradoxe de notre société », affirme Victor Janjic. S’il est enthousias­te dès qu’il intervient auprès des enfants, il n’en est pas moins lucide quant aux modes de consommati­on actuels. « Nés dans ces problémati­ques, les enfants sont conscients des enjeux. Mais ils baignent aussi dans la société de consommati­on et demandent de plus en plus tôt à leurs parents le dernier smartphone ou i-machin à la mode pour consommer du streaming. » C’est pour aller à contre-courant de cette tendance au tout high-tech que le jeune ingénieur Corentin de Chatelperr­on met à flot le Nomade des Mers en 2016. En 17 mois, son catamaran-laboratoir­e a traversé 12 pays et rencontré pas moins d’une trentaine d’inventeurs de systèmes low-tech. Les low-tech, ces technologi­es manuelles, pratiques et souvent conçues à partir de matériaux de recyclage. À son retour, Corentin crée l’associatio­n Low-Tech Lab –avec l’aide du célèbre navigateur Roland Jourdain– qui se donne pour mission d’être la plateforme open source de l’innovation durable. Grâce à ces contenus, certains professeur­s de collège remplacent le traditionn­el cours de techno par de la « low-tech techno ». L’occasion d’élaborer un système de culture de plantes en hydroponie, de concevoir un composteur de type bokashi ou encore de fabriquer des cordes à partir de fibres de jute. Les mêmes inventions que sur le catamaran rouge.

Approches ludiques autour du cycle de l’eau

« L’attention des enfants est bien plus facile à capter dès lors que l’on aborde des thèmes qui touchent à la nature », observe de son côté Cécile Labat, directrice de l’école Saint-Louis de Gonzague, à Biarritz. Elle n’a pas hésité un instant à mettre l’écologie au programme de son école depuis 2 ans. L’idée de confier cette mission à l’associatio­n locale Water Family s’est rapidement imposée comme une évidence au sein de l’équipe pédagogiqu­e, en raison de « leur expertise et leurs nombreuses ressources ». Tout comme 115 autres classes du Sud-Ouest, les élèves des classes CE et CM de cette école participen­t au programme Water Responsabl­e. Un ensemble d’interventi­ons d’une demi-journée, réparties dans l’année selon « un temps de la connaissan­ce, un temps du jeu et un temps de l’engagement ». En juin, les classes ayant participé se réunissent pour l’Odyssée des Juniors. Une journée événement qui permet aux enfants de participer à de nombreux ateliers (cosmétique­s DIY, préservati­on du littoral, déchets aquatiques…) en présence des ambassadeu­rs de l’associatio­n, des médaillés de sports pratiqués au contact de l’eau ou de la neige, pour faire un lien avec le cycle de l’eau. « Des champions comme Mathieu Crépel ou Justine Dupont (NDLR : respective­ment champion du monde de snowboard et de stand up paddle) captent plus facilement l’attention des enfants », explique Renaud Hermen, cofondateu­r de l’associatio­n.

S’appuyant sur l’idée que l’éducation précède l’action, la Water Family se sert du prétexte du cycle de l’eau pour aborder de nombreuses problémati­ques. « Notre moteur, ce sont les enfants eux-mêmes, riches de leur capacité à s’émerveille­r et à se révolter », soutient Gorka Oyarzun, responsabl­e pédagogiqu­e à la Water Family. En tout, ils sont une dizaine d’animateurs à intervenir dans les écoles, les collèges et lycées de la Nouvelle-Aquitaine. Les interventi­ons, qui se déroulent en classe ou en extérieur, permettent aux enfants de s’exprimer sur des thèmes d’actualité, et s’achèvent généraleme­nt par la plantation d’un arbre offert par l’associatio­n et l’inscriptio­n au dos de leur diplôme Water Responsabl­e d’un ou plusieurs écogestes. Consommer des fruits et légumes de saison, faire son savon naturel ou encore se déplacer à vélo car, comme le rappelle Justin, 7 ans, « c’est bon pour l’environnem­ent et pour notre corps ». En 2019, plus de 3 000 enfants ont été sensibilis­és par le biais de ce programme et plus de 10 000 à travers les événements de la Water Family. Un résultat méritant pour cette associatio­n aux ressources limitées.

enfin de la question Pour que les enseignant­s s’emparent

Cela peut surprendre mais en France, l’écologie en tant que science ne fait pas encore partie des enseigneme­nts obligatoir­es. Aux yeux d’Aurore, Gorka et tous leurs collègues associatif­s, nos institutio­ns sont en retard. Ils le clament à l’unisson : il y a urgence ! « Cette urgence climatique nous oblige parfois à avoir un discours très direct dans les choix de consommati­on des enfants et de leur famille. Le message n’est pas de ne plus rien consommer du tout mais de remettre du sens dans nos choix au quotidien », rappelle Gorka. Pour autant, il ne s’agit pas de faire porter toute la responsabi­lité de l’avenir de la planète sur les frêles épaules de nos enfants. C’est bien de la responsabi­lité des adultes, parents, enseignant­s et décideurs actuels qu’il est question. C’est pourquoi toutes ces associatio­ns développen­t leurs propres supports pédagogiqu­es à destinatio­n des adultes. Des jeux à faire en classe, des fiches pédagogiqu­es mais aussi des livres mis à leur dispositio­n sur les plateforme­s d’achat de manuels scolaires. Des petites gouttes d’eau qui, ensemble, formeront peut-être la vague du changement nécessaire.

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