Le musée enraciné
L’architecte paysagiste suisse Enzo Ena collectionne les arbres comme d’autres les oeuvres d’art. Une passion qu’il expose en bordure du lac de Zurich, dans une mise en scène poétique et minimaliste qui incite à la contemplation.
L’architecte paysagiste suisse Enzo Eno collectionne les arbres comme d’autres les oeuvres d’art.
Les essences se dressent au coeur d’une scénographie minérale.
Des chantiers et des clients prestigieux, Enzo Ena les compte aux quatre coins du monde. Mais c’est dans la petite ville de Rapperswil-Jona, à une trentaine de kilomètres au sud de Zurich, qu’il faut chercher sa vraie nature. Celle d’un antiquaire très particulier qui remplace les objets anciens par des arbres centenaires et les expose comme des sculptures. Son musée est un jardin sans fleurs, planté au coeur d’un domaine de plus de sept hectares prêté par les religieuses de l’abbaye cistercienne voisine, séduites par la beauté du projet. “Il n’existe pas deux arbres semblables, explique Enzo Ena. On tombe amoureux d’une chose unique au monde, comme pour une oeuvre d’art.” Depuis près de vingt ans, selon une technique exigeante inspirée de la culture des bonsaïs, il déplante les essences merveilleuses qu’il découvre lors de voyages proches ou lointains, puis les enracine dans son parc tranquille. L’érable rouge du japon, le parrotie de Perse, le magnolia de Soulanges et l’orme champêtre deviennent alors des êtres à part entière. Chacun trône dans sa “chambre en plein air” délimitée par un muret de pierre aux allures de ruine antique qui crée la perspective et, comme un cadre autour d’une huile, rehausse la couleur d’un feuillage, la grâce d’une branche, la dentelle d’une feuille, le noueux d’un tronc. L’arbre petit à petit effleure la paroi, s’y adosse, l’envahit et transforme un paysage qu’on parcourt avec un sentiment d’infinie quiétude. Car au fil des pièces de cette galerie à ciel ouvert, un homme sensible et savant a fait surgir une forêt rêvée née des amours de l’art et de la nature.