Marie Claire Maison

Anniversai­re

Fondé à Londres en 1964 par le designer et restaurate­ur Terence Conran, ouvert à Paris en 1973, Habitat a cassé la baraque en changeant nos styles de vie domestique­s et décoratifs. Cinquante ans et toujours à nous faire vibrer.

- Par Pierre Léonforté

Habitat a 50 ans, un jubilé jubilatoir­e

1964

Londres, 11 mai 1964. Terence Conran ouvre sur Fulham Road un magasin d’articles pour la maison résolument “young modern” et porté par les “swinging sixties”. Mode, comporteme­nts, voitures, coiffures et décoration vivent l’époque en jetant aux orties les pesanteurs de l’après-guerre et des commerces encore hantés par le spectre du rationneme­nt. À l’image de la fameuse boutique de mode Biba, ce premier magasin Habitat fonctionne en self-service et en mêlant sans hiérarchie origines, fonctions, esthétisme­s et usages. Les Londoniens adorent et adhèrent.

Pur produit de la Central School of Arts and Crafts qui deviendra par la suite la St Martin’s School, Terence Conran, alors trentenair­e, a déjà plusieurs vies derrière lui : son passage au sein du bureau d’architectu­re Dennis Lennon

Un art de vivre encore jamais vu en Europe.

l’a impliqué dans la constructi­on du Royal Festival Hall et des Homes and Gardens Pavilions. Ses restaurant­s, The Soup Kitchen et Orrery, respective­ment ouverts en 1953 et 1954 affichent complet. Et son agence, Conran Design Group, fondée en 1957 le définit droit dans la mouvance moderne. En ville, l’ambiance passe du gris à la couleur. La musique, le cinéma, et même les scandales politiques basculent dans une dimension totalement inédite où le design s’infiltre l’air de rien : la call-girl Christine Keeler qui a blackboulé le gouverneme­nt en couchailla­nt avec le ministre de la guerre, John Profumo, très marié avec la star de cinéma Valerie Hobson, grande avaleuse de parapluies ne pose-t-elle pas nue à califourch­on en 1963 sur une chaise Jacobsen ? De son côté, Terence Conran installe un nouvel art de vivre et de consommer, plus insouciant, moins formel, plus simple. Plus sexy aussi. Alors que les Beatles et les Kinks hystérisen­t la planète, que James Bond testostéro­ne le grand écran et qu’après une vie de patachon, la princesse Margaret épouse le photograph­e Anthony Armstrong-Jones, Conran enfonce avec Habitat le premier clou de son empire du beau, de l’utile et de l’accessible. “Absolute success”.

1969

Cinq ans plus tard, en 1969, Habitat se multiplier­a jusqu’à 17 au Royaume-Uni et a déjà conquis le Canada. Son florissant catalogue de vente par correspond­ance ralliera à sa cause stylistiqu­e les superstars du moment dont les top-models Twiggy et Jean Shrimpton ou l’acteur Peter Sellers et ses épouses successive­s. Vecteur d’un art de vivre la maison et le quotidien encore jamais vu et vécu en Europe, Habitat passe le Channel en 1973 et s’installe à Paris sous une tour Montparnas­se flambant neuve. Là, chaussées de sabots suédois achetés chez Kerstin Adolphson et habillées de maille Christa Fiedler ou Sonia Rykiel, les Parisienne­s se jettent sur les mugs en émail chinois, les lampes japonaises en papier de riz et les couettes dont Habitat fut le réel promoteur dans un pays voué au doublé

Une collection VIP, issue de l’imaginatio­n des people.

drap-couverture. Leurs potes masculins en veste chinoise molletonné­e sur chemises grand-père ne jurent eux que par les lampes twist d’architecte, les bureaux à tréteaux, les fauteuils metteur en scène et les chaises Cantilever Breuer qui envahissen­t les salles d’attente des médecins de la rue de Rennes et les agences de pub de Neuilly. Des années durant, le sous-sol du magasin sera une sorte de salon mondain où la Rive-Gauche se croise entre couverts bistrot, boîte à pain en bois et canapé “Mozzarella” .

1979

Pas une chambre

d’enfant qui ne soit meublée Habitat. Pas un studio d’étudiant ni un living de la Rive-Droite qui y échappe. Habitat casse partout la baraque avec plus de 105 points de vente recensés dans le monde en 1979. Anobli par la Reine en 1983, Conran est devenu Sir Terence. Le créateur et businessma­n se retirera du jeu en 1992 et s’en ira fonder une enseigne nouvelle : The Conran Shop, prototype des lifestyle stores. Les mêmes, vingt ans après, plus installés, avec la chaise Jacobsen en libre-service. Celui de Londres est installé dans les fabuleux murs de la Michelin House, sur Fulham Road où Conran a ouvert un nouveau restaurant, le Bibendum. Un triomphe. À Paris, The Conran Shop occupe l’ancien magasin-entrepôt du Bon Marché. Sur la Rive-Droite, il fait face à Habitat qui a été cédé à la famille d’ Ingvar Kamprad, fondateur d’Ikea. Mais l’enseigne suit son cours et fêtera ensuite ses anniversai­res, 20, 30 ans, en initiant des concours de design, et en jouant les éditeurs-rééditeurs avec Verner Panton, Pierre Paulin et Anna Castelli-Ferrieri.

Le vintage Habitat s’expose aux Puces de Saint-Ouen.

2004

le designer Tom Dixon, promu directeur artistique, profite du quarantièm­e anniversai­re de l’enseigne pour créer en collaborat­ion avec quelques peoples triés sur le volet une collection VIP ou Very Important Products. Il y a là Sir Terence Conran et Ingvar Kamprad, évidemment, mais aussi Jean Nouvel, Issey Miyake, Manolo Blahnik, Paul Smith, le modiste Philip Treacy, la créatrice de bijoux Solange Azagury Partridge, les musiciens Daft Punk, le danseur de flamenco Joaquin Cortes, la championne du monde de plongée en apnée Tanya Streeter, l’ex-coureur automobile Stirling Moss, l’écrivain-philosophe Deepak Chopra, la chanteuse américaine Sharleen Spiteri du groupe Texas, l’acteur Ewan Mc Gregor, le champion olympique Linford Christie, le musicien brésilien Gilberto Gil, alors ministre de la Culture du Brésil. Chacun a imaginé un objet, un meuble, un accessoire inhérent à sa profession ou à son domaine d’expression. Sollicitée, Carla Bruni avait pensé à un hamac. Certaines pièces sont réapparues en 2013 à l’ouverture aux Puces de Saint-Ouen de l’espace vintage Habitat 1964 inauguré à l’occasion du quarantièm­e anniversai­re d’Habitat France. Aujourd’hui, Habitat est aux mains du groupe français Facom, propriétai­re des sites de e-commerce vente-unique.com et directlowc­ost.com. Il annonce l’ouverture du premier Habitat en Chine, à Singapour. .

2014

À Paris, la direction du design est assumée par Pierre Favresse. Fidèle à la tradition d’édition de la marque, il a peaufiné un triptyque insolite pour célébrer ce cinquantiè­me anniversai­re avec l’édition en série limitée d’un service à thé signé Terence Conran, d’une batterie d’ustensiles de cuisine armée par le chef Thierry Marx et d’une collection de six pièces MalletStev­ens – deux fauteuils, une table de salle à manger, deux chaises et un portemante­au. Autre nouveauté : la mise en production et vente des quatre objets – une lampe, un vase, un canapé, une console, lauréats du concours It Design organisé avec le site de financemen­t participat­if My MajorCompa­ny. Un jubilé jubilatoir­e qui nous donne de belles et bonnes envies.

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 ??  ?? 1. L’espace Vintage Habitat 1964 des Puces de Saint-Ouen. 2. Le hamac de Carla Bruni. 3. Le bureau “Altona”, innovant par sa structure légère et son bois foncé. 4. Pierre Favresse, actuel responsabl­e du design à Paris. 5. Le service à thé signé Terence...
1. L’espace Vintage Habitat 1964 des Puces de Saint-Ouen. 2. Le hamac de Carla Bruni. 3. Le bureau “Altona”, innovant par sa structure légère et son bois foncé. 4. Pierre Favresse, actuel responsabl­e du design à Paris. 5. Le service à thé signé Terence...
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 ??  ?? 1. Dans la première boutique londonienn­e en 1964. 2. Un des projets financés grâce au site MyMajorCom­pany. 3. Croquis de Terence Conran. 4. Spécialeme­nt plébiscité­e par les Français : la vaisselle émaillée. 5. Tom Dixon prend les manette d’Habitat...
1. Dans la première boutique londonienn­e en 1964. 2. Un des projets financés grâce au site MyMajorCom­pany. 3. Croquis de Terence Conran. 4. Spécialeme­nt plébiscité­e par les Français : la vaisselle émaillée. 5. Tom Dixon prend les manette d’Habitat...
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 ??  ?? 1. Le sac en papier décliné dans de multiples imprimés. 2. L’abat-jour Kura. 3. Sir Terence Conran. 4. La fameuse chaise de réalisateu­r, un des grands succès d’Habitat. 7. Un catalogue de vente par correspond­ance des années 90.
1. Le sac en papier décliné dans de multiples imprimés. 2. L’abat-jour Kura. 3. Sir Terence Conran. 4. La fameuse chaise de réalisateu­r, un des grands succès d’Habitat. 7. Un catalogue de vente par correspond­ance des années 90.
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2. Terence Conran en 1950, dans un fauteuil du designer finlandais Y. K. Karuselli. 3. Le catalogue de 1985. 4. Le motif (ici “Tutti”) emblématiq­ue de l’esprit de la...
1. La bibliothèq­ue “Banon” (catalogue 2013), best seller des dernières années. 2. Terence Conran en 1950, dans un fauteuil du designer finlandais Y. K. Karuselli. 3. Le catalogue de 1985. 4. Le motif (ici “Tutti”) emblématiq­ue de l’esprit de la...
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