SERIAL COLLECTIONNEUR
Au coeur de Londres, l’architecte Sir John Soane (1753-1837) a imaginé sa maison comme un génial cabinet de curiosités. Sculptures et oeuvres d’art inouïes y témoignent de son éclectisme et de son goût pour les accumulations. Une folie qui demeure.
Si la nature a horreur du vide, Sir John Soane l’avait encore bien davantage. Cet éminent architecte anglais au style néoclassique (1753-1837), à qui l’on doit notamment la Banque de Londres, a imaginé sa propre demeure, dans le quartier de Holborn, comme l’écrin de son goût immodéré pour les collections d’art. On y trouve pêle-mêle trente mille dessins d’architecture, des esquisses à foison, des peintures – dont trois Canaletto, plusieurs Watteau, Turner et William Hogarth – et pléthore d’antiquités égyptiennes, médiévales, Renaissance… Le tout légué en l’état à sa mort pour devenir une sorte “d’académie d’architecture” au profit des “amateurs et étudiants” en architecture, et à la condition expresse que rien n’y soit touché. The Oxford Dictionary of Architecture – référence en la matière – qualifie cette extravagante demeure comme “l’intérieur le plus complexe, élaboré et chargé jamais conçu”. Les systèmes de triples volets croulant de tableaux ou de dessins qu’il faut un à un ouvrir avant d’atteindre la lumière ne sont qu’un exemple de son insensé goût de l’accumulation. L’excentricité et le baroque de ses collections ne doivent pas occulter l’incontestable talent de Sir John Soane, membre de la Royal Society et professeur d’architecture à l’Académie royale, à qui l’on doit aussi le plus sobre aménagement intérieur des salles à manger des 10 et 11 Downing Street, résidence officielle du Premier Ministre et du ministre des Finances anglais et la Dulwich Picture Gallery à Londres. Le monument funéraire qu’il érigea à la mémoire de son épouse bien-aimée inspira aussi, en 1920, et on le sait moins, le design des cabines téléphoniques anglaises. Aujourd’hui, cent dix mille visiteurs se pressent chaque année dans l’éclectique demeure de Sir John Soane, ce petit musée que le temps a oublié.