UNE ÂME D’ARTISTE
À La Havane, les patines surannées et le charme rétro d’une maison 1900 offrent une toile de fond singulière aux oeuvres de métal du peintre et sculpteur Damien Aquiles.
Dans une rue calme du Vedado, un quartier qui concentre la plupart des cinémas, théâtres, clubs et galeries d’art de La Havane, la maison de Damien Aquiles et de Pamela Ruiz apparaît comme
une oasis, cachée dans la végétation et les bougainvilliers. À l’époque coloniale, il était interdit d’y abattre les arbres… C’est Pamela, l’épouse américaine de Damien, agent d’artistes et co-fondatrice de Cuba Untitled, une fondation dédiée au renouveau culturel et artistique de l’île, qui l’a trouvée en faisant des repérages de lieux. Et elle encore qui, à force d’obstination, a révélé sa splendeur cachée sous la patine du temps. Comme beaucoup de villas néoclassiques, abandonnées après le long embargo américain – 54 ans, levé en 2016 sous la présidence de Barack Obama – elle se délabrait, lentement… Il pleuvait à l’intérieur, mais sa beauté était intacte, notamment ses sols-mosaïques en carreaux de ciment, différents dans chaque pièce. Pamela a simplement brossé les murs à l’eau pour retrouver ses nuances pastel, dont les strates créent l’illusion d’une fresque antique sur certains pans de murs, et un papier peint joliment fané. Loin toutefois d’être une reconstitution figée des fastes passés de La Havane, la maison est ouverte aux amis, artistes et collectionneurs, les galeries d’état laissant encore peu de place aux galeries privées. Et elle met en valeur les créations de Damien, influencé par De Kooning et Rauschenberg, comme cette toile, mosaïque de métal et papiers recyclés, au salon, et sur la terrasse, une sculpture ronde de métal découpé. Après les années de privation matérielle et d’isolement qui ont suivi la chute de l’ex-allié soviétique en 1989, ses oeuvres, créées à partir de matériaux de récupération, érodés et oxydés par le temps, auxquels Damien donne “une nouvelle histoire et une nouvelle vie”, résonnent comme le symbole de l’éclatante vitalité des Cubains.