ÎLES FLOTTANTES
Sur son île natale de Formentera, l’architecte Marià Castelló a patiemment construit, à même la roche, la “caseta” de ses rêves d’enfant : une maison insolite en trois cubes de béton et bois, qui semblent en lévitation face à la mer. Détonnant et apaisant
enfant de Formentera, Marià Castelló a toujours vécu sur la terre sauvage de cette petite île des Baléares. Tout gamin, il courait déjà sur ce terrain caillouteux qui descend vers la plage de Migjorn, où s’entremêlent les pins, le thym, le romarin et le genévrier. Il traînait toujours du côté des cabanes à bateaux des pêcheurs, faites de planches de bois usées par le soleil et le sel, et jouait les Robinson dans l’une des anciennes tours de défense de l’île, la Torre des Pi des Català. “Pour moi, Formentera c’est l’équilibre, la simplicité, la lumière, la beauté… Mais aussi la vulnérabilité et la fragilité.” Depuis 2002, son agence rend hommage à la culture vernaculaire et aux paysages de Formentera. C’est tout naturellement sur le lieu de son enfance, Bosc d’en Pep Ferrer, qu’il a réalisé la “maison de sa vie”. Dix ans de travaux pour une bâtisse contemporaine qui sonne comme un manifeste : elle doit se fondre dans le milieu naturel, faire corps avec son environnement tant par ses lignes que par ses matériaux. Pour qu’elle ne soit pas trop massive, il l’a divisée en trois cubes, inspirés par des “casetas” des pêcheurs de l’île, qui allient le béton à des structures légères en planches de pin grisées. Des passages tout en transparence relient le tout. Pour rendre son habitation autosuffisante, il a prévu des panneaux solaires et récupérateurs d’eau de pluie. À l’intérieur, place au bois naturel mêlé à du blanc, pour reproduire les lignes horizontales du paysage. La pierre apparente sur certains murs a été sculptée de manière à évoquer les carrières locales de Punta Pedrera. Peu de couleurs et peu de meubles : l’ensemble respire la sobriété et la sérénité. Des fils tendus font office de garde-corps dans l’escalier et de cloison entre la cuisine et le séjour, pour ne pas faire obstacle à la lumière et jouir ainsi au maximum de la vue. Marià Castelló a dessiné un univers poétique tout droit sorti de son imaginaire d’enfant. Il règne ainsi en “Petit Prince” sur son île…