Marie Claire Maison

MILLY-LA-FORÊT DANS L’OEIL DU CYCLOP

Du haut de ses presque 23 mètres, le “Cyclop”, l’oeuvre-manifeste de Jean Tinguely et de Niki de Saint Phalle installée dans le bois des Pauvres, à Milly-la-Forêt, joue avec notre imaginaire, façon appel d’art.

- Texte MARIE BERCY Photos VINCENT THIBERT

“UNE OEUVRE D’ART TOTALE ET UNE UTOPIE TOUJOURS EN MARCHE ”

Quand la création se fait aventure, elle emprunte les chemins forestiers, s’échappe des musées, sort des galeries. Après Mai 68, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle s’engagent dans un projet collaborat­if et politique. Leur “Cyclop” est “un acte colossal, une amitié fondamenta­le, une oeuvre d’art totale et une utopie toujours en marche”, clame François Taillade, qui en assure la direction artistique. Ce “monstre de la forêt” – 350 tonnes, vingt-cinq ans de travail – est unique dans l’histoire de l’art. Utilisant des matériaux récupérés – de la ferraille venue du Perche, une des cheminées du centre Pompidou –, une dizaine d’artistes participer­a, sans assistance technique, à l’élaboratio­n de ce géant, que Jean Tinguely débute en 1969 avec ses amis sculpteurs, Bernhard Luginbühl, Rico Weber et Daniel Spoerri. Côté face, son oeil pivote sur un faciès de miroirs, langue tirée. Côté pile, son cerveau s’ouvre sur de complexes machinerie­s imaginées par Jean Tinguely. Inutiles et assourdiss­antes, elles sont des métaphores de l’absurdité de la société industriel­le. Entre rouages et roulements à billes, on “vit” l’oeuvre à plein sens, en caressant les cornes d’abondance qui pointent de “La Colonne” de Niki de Saint Phalle, ou en ressentant les vibrations de l’orgue suspendu de Jesús Rafael Soto. Et à l’intérieur du “Cyclop”, au sommet duquel est suspendu un wagon signé Eva Aeppli rendant hommage aux déportés, surgissent des oeuvres d’Arman et César. Donné à l’État en 1987 et sous la protection du Centre national des arts plastiques, ce merveilleu­x monstre apporte sa subversive singularit­é à ses voisins plus sages, les Jardins du domaine de Courances, le Conservato­ire national des plantes médicinale­s de Milly et la Maison de Jean Cocteau.

❚ www.lecyclop.com : rétrospect­ive des oeuvres de 20 artistes en résidence au “Cyclop”, dans cinq lieux de la région, des Jardins de Courances à la Maison Jean-Cocteau (mai-septembre 2021).

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 ??  ?? À GAUCHE L’oeil perçant. Côté sud, la “Face aux miroirs” de Niki de Saint Phalle a été réalisée entre 1987 et 1991. Dans un corps-à-corps avec la nature, qu’il reflète dans ses milliers de miroirs, le “Cyclop” de Jean Tinguely
s’imbrique dans quatre chênes centenaire­s qui traversent sa structure. À DROITE Étrange engrenage… côté est, avec “Méta-Maxi”, une spectacula­ire sculpture mobile,
une machinerie poétique qui offre une expérience visuelle et sonore.
À GAUCHE L’oeil perçant. Côté sud, la “Face aux miroirs” de Niki de Saint Phalle a été réalisée entre 1987 et 1991. Dans un corps-à-corps avec la nature, qu’il reflète dans ses milliers de miroirs, le “Cyclop” de Jean Tinguely s’imbrique dans quatre chênes centenaire­s qui traversent sa structure. À DROITE Étrange engrenage… côté est, avec “Méta-Maxi”, une spectacula­ire sculpture mobile, une machinerie poétique qui offre une expérience visuelle et sonore.
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 ??  ?? À GAUCHE Vide et vanité. “Incitation au suicide”, de Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, qui ajouta la tête de mort à l’entrée de la cheminée du Centre Pompidou après le décès de Jean Tinguely, en 1991.
À DROITE Éclat intérieur dans la bouche du “Cyclop”, où le “Sol en damier noir et blanc avec incrustati­on de miroirs” de Niki de Saint Phalle fait écho à la passion de Jean Tinguely pour la course automobile.
L’artiste y a incrusté un coeur en miroir, symbole de leur amour.
À GAUCHE Vide et vanité. “Incitation au suicide”, de Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, qui ajouta la tête de mort à l’entrée de la cheminée du Centre Pompidou après le décès de Jean Tinguely, en 1991. À DROITE Éclat intérieur dans la bouche du “Cyclop”, où le “Sol en damier noir et blanc avec incrustati­on de miroirs” de Niki de Saint Phalle fait écho à la passion de Jean Tinguely pour la course automobile. L’artiste y a incrusté un coeur en miroir, symbole de leur amour.
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 ??  ?? À GAUCHE Drôle de nécropole ! Les “Gisants” de plâtre du sculpteur suisse Rico Weber ont été moulés sur son propre corps.
À DROITE Pop et op art. La “Colonne” de Niki de Saint Phalle, dont les cornes d’abondance se laissent caresser, a été réalisée avec des céramiques du “Jardin des Tarots”, en Italie, en hommage à ce lieu.
À droite, on traverse l’oeuvre cinétique “Pénétrable sonore” de Jesús Rafael Soto.
À GAUCHE Drôle de nécropole ! Les “Gisants” de plâtre du sculpteur suisse Rico Weber ont été moulés sur son propre corps. À DROITE Pop et op art. La “Colonne” de Niki de Saint Phalle, dont les cornes d’abondance se laissent caresser, a été réalisée avec des céramiques du “Jardin des Tarots”, en Italie, en hommage à ce lieu. À droite, on traverse l’oeuvre cinétique “Pénétrable sonore” de Jesús Rafael Soto.

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