SUR LA ROUTE DE MEMPHIS
CÉLÉBRÉ AU VITRA DESIGN MUSEUM, LE GROUPE MEMPHIS A DYNAMITÉ TOUS LES CODES DE CE MUSÉE À L’AUBE DES ANNÉES 80. CINQ CHOSES QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR CE COURANT SUBVERSIF ET FULGURANT.
C’est à Bob Dylan que le courant Memphis (1981-1988) doit son nom : sa chanson “Stuck Inside of Mobile With The Memphis Blues Again” passe en boucle ce soir de décembre 1980 où se réunit le collectif qui, autour d’Ettore Sottsass, compte Martine Bedin, Michele De Lucchi, Nathalie Du Pasquier… Outre le raffinement de la première capitale de l’Égypte ancienne, Memphis évoque la culture rock américaine contestataire. Une filiation parfaite pour ces trublions du design qui veulent remettre au coeur de la création l’émotion, la communication “rassurante” de l’objet, plutôt que sa fonction. Le désir plus que le besoin.
Ettore Sottsass, chef de file sensas
Fondateur du groupe Memphis, il veut repenser le design comme un art “sensuel et excitant”. Proche d’Olivetti, cet architecte et designer italien a planché dès 1958 sur le design de l’électronique naissant, créé le premier ordinateur italien, puis l’iconique machine à écrire “Valentine” rouge. Marqué par un voyage en Inde en 1961, puis en Californie en plein “boom” du Pop Art, Sottsass a déjà participé dans les années 70 au mouvement d’avant-garde italien Anti-Design, critique de la société de consommation. Prolifique et anticonformiste, guidé par l’idée de “fertilisation croisée”, il est aussi céramiste, créateur de bijoux et fan de verrerie.
“Memphis, 40 ans de kitsch et d’élégance”, jusqu’au 23 janvier 2022, à Weil am Rhein, Allemagne. www.design-museum.de
Expo kitsch et choc
Milan, 18 septembre 1981 : Memphis fait le buzz dès sa première collection de meubles, luminaires, tapis… exposée dans une galerie, en “off” du Salon international du meuble. La photo de ses membres qui se jettent dans l’arène – en l’occurrence, un “ring” en bois, tatami et soie de Masanori Umeda – frappe les esprits, comme leurs assemblages disparates de bois, terrazzo, chintz, métal et “vulgaire” stratifié plastique, détourné de la salle de bains et de la cuisine. Leur fantaisie géométrique et totémique détonne, leurs motifs hérités du Spugnato, une “tache” organique imaginée par Sottsass en 1979, et leur colorama pop bousculent avec ironie les codes du “bon goût”.
Esthétique ludique
Les objets et meubles Memphis s’affirment comme un antidote à la morosité. Rebelles face au dogme “la forme suit la fonction”, produites en séries limitées avec l’aide d’Artemide – la maison d’arts de la table et de luminaires –, la table à pattes “Kristall” de Michele De Lucchi et la lampe à bec zoomorphique “Tahiti” d’Ettore Sottsass semblent sorties d’une BD. Et avec ses roues et son dos hérissé d’ampoules, “Super”, la lampe en tôle et plastique de Martine Bedin, évoque la fête foraine et un jouet premier âge!
Fan-club et énergie durable
Un point commun entre David Bowie et Karl Lagerfeld? Avoir collectionné les créations Memphis. “Ce qui me séduit dans tous les objets Memphis, c’est leur humour”, dira le grand Karl, parlant même d’un “coup de foudre”! Malgré sa brève existence, le mouvement, qui continue d’influencer l’art, la déco, la mode et le graphisme, a laissé des best-sellers, réédités par la société Memphis (www.memphis.milano.com), comme l’iconique lampe “Super” et la chaise “First” de Michele De Lucchi, un simple tabouret autour duquel des accoudoirs-sphères gravitent comme des planètes. “Je voudrais que mes objets procurent du plaisir aux gens”, confiait-il en 1985. Mission accomplie!