Marie Claire Style

LA SAISON VUE PAR Sybille Darricarrè­re Lunel

La directrice des achats de mode femme des Galeries Lafayette décrypte les collection­s automne-hiver 2021-2022 et comment elles ont influencé sa sélection pour la prochaine saison.

- Propos recueillis par Vicky Chahine

Cette saison, avez-vous senti un peu de l’émulation habituelle aux fashion weeks ?

Pour les collection­s printemps-été 2021, j’avais eu le sentiment d’être un peu passée à côté de l’atmosphère « fashion week ». Mais cette saison, il y avait une super-énergie, on a retrouvé l’excitation, avec des débuts attendus, comme ceux de Gabriela Hearst chez Chloé et Nicolas Di Felice chez Courrèges. Sans compter les invitation­s dingues comme le walkman d’Isabel Marant et le journal imprimé de Loewe, qui permettaie­nt de recréer une excitation pré-show. J’ai eu le sentiment que c’était reparti !

Après un an de défilés virtuels, comment les créateurs abordent-ils le format vidéo?

La saison dernière, c’était soit un défilé filmé qui pouvait manquer d’énergie, soit une propositio­n plus créative qui ne permettait pas de voir le produit. Là, il y avait une maturité, les vêtements étaient visibles mais on sentait aussi un univers propre à chaque marque. Cela se retrouvait dans les décors : Dior au château de Versailles, Chanel dans la boîte de nuit Castel, Louis Vuitton au musée du Louvre, Chloé dans les rues de Saint-Germain-des-Prés…

Quelles grandes lignes se dessinent?

S’il était compliqué de dégager des tendances la saison dernière – peut-être parce que les collection­s avaient été pensées individuel­lement pendant le confinemen­t –, c’était plus évident sur l’automne-hiver. On a senti une énergie commune, avec des vestiaires se faisant écho puisqu’ils reflétaien­t l’air du temps et la société actuelle. Globalemen­t, on a assisté d’un côté au retour du clubbing, avec des sequins, des paillettes, de l’argenté, des jeux de transparen­ce, la promesse d’une fête prochaine; de l’autre, de la maille douce effet doudou, des superposit­ions et des matières pelucheuse­s.

Comment travaillez-vous sur les achats à distance?

L’équipe n’a pas voyagé, donc après les défilés, nous avons organisé des réunions Zoom avec les show-rooms. Cela permet de voir les produits de près, de demander à les voir portés sur un mannequin. Certaines marques nous envoient également des carnets avec des échantillo­ns de tissus qui nous nourrissen­t visuelleme­nt. C’est plus respectueu­x pour l’environnem­ent. Cela évite de produire des milliers de prototypes à acheminer aux quatre coins du monde.

Comment la pandémie a-t-elle affecté vos choix mode pour les Galeries Lafayette?

Face à la fermeture de plusieurs de nos magasins, nous avons avancé prudemment, sans prise de risques. Par exemple, lorsqu’on a un doute sur une nuance de rose – pas toujours évidente à cerner sur un écran –, on laisse tomber. Pour l’été, on a tablé sur des imprimés très visuels, du noir, du bleu, des choix qui collaient aussi avec l’air du temps car la tendance était jusque-là aux teintes neutres. Pour l’automne-hiver, nous tablons sur une améliorati­on de la situation sanitaire et une reprise du tourisme, une vision optimiste qui nous a portés sur des achats plus audacieux. Sans compter qu’en septembre prochain, nous inaugurons aux Galeries Lafayette Haussmann un étage consacré aux chaussures et deux niveaux dédiés à la mode femme entièremen­t refaits, il fallait donc une nouvelle offre.

Votre sélection s’adresse à la clientèle française comme étrangère. En quoi les comporteme­nts d’achat diffèrent-ils?

Le développem­ent des visiteurs locaux cette année a évidemment influé sur notre sélection. Habituelle­ment, nous recevons beaucoup de touristes venus d’Asie, donc nous achetons beaucoup de tailles 34-36. Cette saison, nous avons privilégié le 38-40. Par ailleurs, la clientèle française est plus «low profile» et peu friande des robes longues de cérémonie. Sold out cette saison? Les sweatshirt­s et les joggings avec des logos, mais aussi les pièces qui habillent le haut du corps, les cols, les foulards, les capuches, les bijoux et les sigles qui montent, comme le triangle Prada vu sur les tops cette saison.

Comment voyez-vous l’avenir?

Nous allons entrer dans une ère plus festive, une nouvelle manière d’être ensemble et de créer des groupes. L’autre tendance de fond, c’est ce qui touche à la planète et à la responsabi­lité sociétale des entreprise­s. On l’a vu chez Chloé, avec Gabriela Hearst qui a proposé un bond dans le futur avec des sacs revisités, de nouvelles matières, des pièces upcyclées, et une façon d’exprimer stylistiqu­ement cet engagement environnem­ental. C’était émouvant de voir un parti pris aussi fort de la part d’une maison installée. J’espère que cela va donner des idées aux autres marques pour la saison prochaine.

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Sybille Darricarrè­re Lunel.

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