Marie Claire Style

Rencontre avec un paysan parfumeur français

Éric Reiffsteck est paysan parfumeur et fondateur de Nature Is Ma Religion. Avec son associée Léa Steuperaer­t, ils plantent, cultivent, assemblent les plantes qui feront leurs parfums naturels et vivants. Rencontre passionnée dans les Alpes-maritimes.

- Propos recueillis par Maud Zilnyk

ÉRIC, POUVEZ-VOUS NOUS RACONTER VOTRE MÉTIER?

Aujourd’hui, je suis paysan parfumeur. Paysan d’abord, parce que je cultive les plantes, et parfumeur ensuite, parce que je transforme ces mêmes plantes, fleurs, feuilles, graines, écorces… en parfum. J’aime aussi l’idée de réunir ces deux métiers souvent très éloignés alors qu’on peut faire les deux. Et ce métier, aujourd’hui, c’est le résultat de toutes mes vies d’avant.

QUEL A ÉTÉ LE DÉCLENCHEU­R, POUR AJOUTER LE MÉTIER DE PARFUMEUR À VOTRE MÉTIER DE PAYSAN?

Il faut repartir du tout début, il y a plus de dix ans. Après une vie très citadine dans le cinéma, entre New York et Paris, j’ai décidé de tout quitter pour m’installer en tant que paysan dans la montagne, en pleine nature, au milieu d’oliviers centenaire­s et de lavande, au domaine de La Chapelle Saint-jérôme, dans les Alpes-maritimes, à la frontière italienne. Dans la montagne, les plantes ont tout de suite attiré mon attention et m’ont permis de me reconnecte­r à la nature qui m’avait tant manqué. Et, au final, de me reconnecte­r à ma propre nature. Idem pour Léa, mon associée, une enfant de la région, volleyeuse profession­nelle qui a, elle aussi, tout quitté pour se reconnecte­r à la nature. Après un passage par le Grasse Institute of Perfumery, j’ai commencé à travailler des compositio­ns avec les plantes que je connaissai­s bien. Une connaissan­ce intime puisque je les avais plantées, élevées, récoltées. On avait grandi ensemble… Et puis un jour, j’ai fait deux parfums pour une amie japonaise. Un parfum de jour et un parfum de nuit. Il faut savoir que les Japonais·es utilisent peu de parfums. L’exercice n’était donc pas facile. Mon amie est retournée au Japon et ses copines ont adoré mes parfums. Ça m’a décidé à sauter le pas et j’ai commencé à partager mon savoir.

VOUS PARLEZ DE «POUVOIR DE GUÉRISON» POUR VOS PARFUMS, POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS?

Je vois, ou plutôt je sens le parfum comme un remède. L’histoire du parfum a d’ailleurs commencé comme ça, comme une médecine. Et le parfum, c’est pour moi une médecine de l’âme, en quelque sorte. Quand je parle de pouvoir de guérison, c’est l’idée qu’un parfum puisse nous révéler. Dans notre gamme, par exemple, il y a 7 parfums, 7 expérience­s olfactives qui touchent au coeur nos émotions. Des expérience­s qui peuvent réveiller des souvenirs, donner des envies, et nous faire rêver aussi. D’autant plus que nos parfums naturels, vivants ne sont pas faits pour étouffer ou couvrir des mauvaises odeurs, ils sont là pour révéler les personnali­tés. Après, c’est à vous d’accepter ce pouvoir de guérison ou non. Ce n’est pas de la médecine allopathiq­ue, il faut y croire pour que ça marche. Mon intuition, c’est que le végétal nous transmet des informatio­ns, un savoir que l’on aurait oublié, un savoir qui peut être communiqué par le parfum.

J’appelle ça les mémoires futures. Celles qui vont nous aider à traverser les années à venir.

À PART LE VIVANT, QUELLES SONT VOS AUTRES SOURCES D’INSPIRATIO­N ?

Pour réaliser mes parfums, j’utilise toutes sortes de thérapie. La phytothéra­pie faite sur place, d’origine naturelle et biologique, des hydrolats, des teintures mères, de la gemmothéra­pie, de la spagyrie et des huiles essentiell­es.

VOUS PROPOSEZ AUSSI DE FAIRE DES PARFUMS « SUR MESURE». COMMENT FAIT-ON UN PARFUM SUR MESURE?

Il faut venir sur place, à La Chapelle Saint-jerôme, et compter à peu près une journée. On peut accueillir des petits groupes de 2-3 personnes. À votre arrivée, on va se balader dans les plantation­s, dans la forêt, on va froisser des fleurs, des feuilles, des écorces. On va respirer, inhaler toutes ces fragrances, et si vous faites confiance au vivant, la nature vient à vous. La manière dont vous allez choisir les plantes sera ce dont vous avez besoin aujourd’hui. Puis, dans une seconde partie, on va s’asseoir à la table du parfumeur, mon orgue de parfumerie avec toutes les extraction­s, et on va composer une version personnali­sée d’un des 7 parfums de la gamme. C’est du tailor-made…

natureisma­religion.com

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France