Marie Claire

CHRISTINE ANGOT Portée par la mère

Chacun de ses livres est un évènement. Un sujet à polémique, objet d’enthousias­me ou de détestatio­n. Dans son nouveau, elle parle de l’anti- couple formé par sa mère, aimée, et son père, humiliant. Reste l’espoir, bouleversa­nt.

- « Un amour impossible », PAR GILLES CHENAILLE

Rencontrer Christine Angot, c’est courir le risque d’un clash. Elle a la colère et l’assassinat verbal faciles. Aujourd’hui ce n’est pas du tout le cas – pas plus que les autres jours, assure-t-elle. Elle semble en effet apaisée. Dans son nouveau roman, elle aborde le coeur du coeur de sa vie : celui de sa mère. Le grand amour que cette jeune femme éprouva pour un bourgeois qui finit par rejeter la roturière dont il avait honte. Puis refusa longtemps de reconnaîtr­e Christine, leur fille. Il y eut aussi, déjà racontés, les abus sexuels sur sa fille, présentés ici comme un outil d’humiliatio­n supplément­aire en vue d’anéantir cette mère… aimée par Christine avec des hauts et des bas. Mais preuve magnifique de ce que l’amour – ne fut-il que maternel et filial – reste toujours possible. Marie Claire : A ceux qui diront : « Encore un roman d’Angot sur l’inceste ! », que répondrez-vous ? Christine Angot : Que je ne comprends pas cette question. Ce n’est pas un livre sur l’inceste mais sur l’histoire d’amour entre deux parents que tout opposait. Et sur l’amour liant une mère à sa fille, une fille à sa mère, qui évolue au fil de leur vie mais finit par surmonter les chocs. Et les abus commis par le père sur la fille ? Ils ne sont pas absents du livre… Je les traite comme un des multiples avatars de l’agression sociale permanente perpétrée sur la mère par le père, cher- chant à rappeler par tous les moyens à cette femme qu’elle était inférieure à lui. A l’humilier en lui imposant la honte de ne pas avoir pu éviter ça. Il brise le tabou social ultime, signifiant à la mère qu’il est aussi au-dessus de ça. Comme vous l’avez une fois reproché à votre mère ayant tant aimé votre père, avez-vous aussi le goût des hommes méchants ? Fut une période – révolue – où j’étais attirée par des hommes de ce genre, à défaut de les aimer. Je me disais : « Je vais y arriver, ça va quand même se passer bien. » Mais ça ne durait pas longtemps, ça ne dépassait pas des stages de trois mois. Vous dites mettre votre amour de l’écriture au-dessus de tout. De tout, vraiment ? Je vis avec quelqu’un que j’aime et j’ai une fille que j’aime. Il y a aussi l’amour partagé avec ma mère, qui structure ce livre autant que ma vie. Mais l’écriture commande. Sans amour je peux vivre, pas sans écrire. On vous trouve parfois dure… Erreur ? Disons que si je me sens en confiance, tout va bien. Sinon, je ne me laisse pas crucifier. Je ne fais pas le jeu des gens, prête à tout pour qu’ils soient plus sympas avec moi. D’où cette impression de raideur, je suppose.

18 €, sortie le 19 août.

éd. Flammarion,

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