Marie Claire

« Je n’essaie pas de percer le mystère des femmes. On ne doit pas être trop proche de ses idoles. »

-

Défilé printemps-été 2014 devoir me mettre à Instagram, car quelqu’un que je ne connais pas a ouvert un compte en mon nom. Mais ce sera sans selfie pour moi ! Vous trouvez que la mode a perdu son essence ? Elle doit se refocalise­r sur ce que les gens attendent de nous, créateurs. Et les financiers qui supportent nos maisons ont également un rôle à jouer dans cette logique. Cependant, je trouve que ce qui se passe dernièreme­nt est assez rafraîchis­sant. Les esprits s’ouvrent à nouveau. Qu’un empire comme Gucci confie sa direction artistique à un jeune comme Alessandro Michele est formidable. D’ailleurs, il n’a pas déçu. Le succès rencontré par les derniers shows de Rick Owens, innovants, provocateu­rs et poétiques me fait également très plaisir. Vous aimez donc encore la mode, ouf… Bien sûr. Je n’ai pas choisi d’être créateur comme on décide de son avenir après son bac… Et pourquoi, alors, l’êtes-vous devenu ? Dans un sens pratique, pour prouver aux autres que je pouvais faire quelque chose et m’y tenir, car j’ai toujours été plutôt sauvage. Mais surtout parce que je suis fasciné par le mouvement du tissu. Je me rappelle des Touaregs d’Algérie, où j’ai aussi grandi, qui faisaient voler leurs grands pans de tissu… (il reste rêveur pendant plusieurs secondes, ndlr). J’avais donc le choix : devenir danseur étoile, mon rêve, mais j’ai raté trop de cours, ou devenir créateur. Pourquoi avoir commencé par habiller les femmes ? Parce que j’ai grandi entouré d’elles. J’avais une admiration folle pour ma mère, ma grand-mère et leurs amies. Enfant, j’étais fou amoureux de l’une d’elles, Aïcha, qui me laissait de grosses marques de rouge à lèvres sur la joue lorsqu’elle m’embrassait. J’ai toujours une réminiscen­ce de ces annéeslà lorsque je sens un rouge à lèvres. Après, pourquoi vouloir les habiller ? Sûrement parce qu’en Algérie, les femmes étaient voilées et avaient donc une part de mystère. Habiller les femmes, c’est une façon de les découvrir. Je demande à mon équipe que l’on remarque la silhouette en un clin d’oeil dans leurs dessins. Pas le détail mais la ligne, comme une ombre. En Ethiopie, j’adorais regarder les femmes revenir au village, au loin, dans un horizon flouté de chaleur. Et aujourd’hui, vous n’êtes encore entouré que de femmes ? Ça s’est équilibré. Ce que je préfère, c’est me mettre dans un coin de bar et les observer, les écouter sans qu’elles le sachent. Elles ont une force que les hommes n’ont pas, un ancrage dans la réalité et une générosité incroyable. Ça m’émerveille, mais je n’essaie pas de percer leurs mystères. On ne doit pas être trop proche de ses idoles. Trouvez-vous les femmes bien habillées ? Ça dépend. Je vous dirai qu’en Inde, oui. Ce qui m’effraie un peu quand je marche dans Paris, c’est cet impact qu’ont eu les starlettes que je crois venir de la télé réalité sur le style des filles.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France