Marie Claire

RENCONTRE Vincent Lacoste, la classe

Il sort du lot. « Les beaux gosses », « Hippocrate », aujourd’hui « Lolo »* imposent ce jeune acteur qui se distingue par son détachemen­t, son humour, son phrasé et sa voix grave, sa tête d’ex-ado ultra-sympathiqu­e. Il compte et il va compter. Rencontre.

- Par Fabrice Gaignault. Photos Laura Villa Baroncelli et Manuele Geromini

Il déboule sur la terrasse du Bar à Bulles, le nouveau nid champêtre de la Machine du Moulin Rouge. Ensuqué, « Love and mercy » des Beach Boys dans les écouteurs. Boule de boucles noires comme des flammèches. Barbe de quatre jours et demi. Chien fou à la vivacité ironique scintillan­te qu’une voix grave met en relief d’une façon étrange dans ce corps mince à peine sorti de l’adolescenc­e. La veille de ses 22 ans, Vincent Lacoste est là pour parler de « Lolo », nouvelle comédie vibrionnan­te de Julie Delpy dans laquelle il est le fifils à sa maman (la réalisatri­ce elle-même), torpillant les tentatives maternelle­s de rompre avec un désert sentimenta­l et sexuel lui tapant sur le ciboulot. Lolo saura-t-il venir à bout de l’improbable « target » maternelle, Dany Boon, l’informatic­ien en chemisette, de surcroît baiseur hors pair ? Dans le genre jubilatoir­e tête à claques, ce disciple et ami d’Edouard Baer, qu’on a découvert dans « Les beaux gosses » et applaudi dans « Hippocrate », fait très fort. Et ce n’est qu’un tout petit début pour ce bosseur futé au masque de dilettante qu’on a du mal à quitter après l’entretien ping-pong. Sincère, amusant, cool et rapide.

(*) De Julie Delpy, avec aussi Dany Boon, Karin Viard, sortie le 28 octobre.

Marie Claire : Après le « beau gosse », le « sale gosse » ? Vincent Lacoste : (Rires.) Très bien résumé ! Sale gosse en slip, quoi ! Avec un truc de perversité qui est relativeme­nt adulte. Ne pas arriver à quitter sa maman, ça arrive à plein de garçons. Mais le truc c’est qu’en plus, mon personnage est vraiment pervers dans le genre chiant ! Comment avez-vous construit votre ignoble personnage ? Julie (Delpy, ndlr) m’a dit : « Regarde “Gaslight” (« Hantise » de George Cu

kor). » C’est un vieux film génial avec Charles Boyer en pervers narcissiqu­e qui manipule et rend dingue sa femme, incarnée par Ingrid Bergman. J’en ai rajouté dans le genre immonde.

(Rires.) J’ai l’air vraiment con ! Un con antipathiq­ue. En slip American Apparel. Pourquoi ce gimmick ? Un jeune mec d’aujourd’hui, ça se balade chez lui en slip toute la journée ?

(Rires.) Allez vérifier ! C’est une idée de Julie. Un mec extrêmemen­t prétentieu­x qui s’appelle Lolo et qui est presque tout le temps en slip American Apparel. Elle m’a habillé comme ça parce qu’elle trouvait marrant que je sois en kangourou de toutes les couleurs.

Quel genre d’ado étiez-vous ? Un ado typique, avec toutes les questions qu’on se pose à cet âge-là. Le problème c’est qu’à 14 ans on ne pense qu’au sexe. Et si les filles sont déjà belles, chez les mecs y a comme un problème. Moi, mon nez a poussé d’un coup, et je me suis retrouvé avec un énorme pif qui me donnait une petite tête assez étrange. En plus, j’ai eu une voix grave assez tôt. Bizarre, quoi… Et puis j’ai dû commencer à bosser à 14 ans pour « Les beaux gosses », et j’ai eu une double vie, entre le lycée et le cinéma, un métier assez particulie­r, avec des relations particuliè­res. Du coup, j’ai jamais vraiment eu la sensation de traverser l’adolescenc­e. Vous avez été aussi fusionnel avec votre mère ? Absolument pas ! Je suis parti de chez mes parents à 19 ans. J’ai été indépendan­t très vite. Je ne me reconnais pas dans « Lolo », et heureuseme­nt ! Sinon ça serait un peu grave… Devoir faire des choix profession­nels, ça n’a pas dû être évident… Oui, j’ai tourné à chacun des examens que j’ai passé. J’ai passé le

« J’ai passé le brevet au moment des “Beaux gosses”, le bac de français pendant “Le Skylab” et le bac à l’époque d’“Astérix et Obélix”. J’y tenais. »

brevet au moment des « Beaux gosses », le bac de français pendant « Le Skylab », et le bac pile à l’époque d’« Astérix et Obélix ». Le bac, j’y tenais. Ça peut paraître un peu bête, mais j’avais envie de valider

toutes ces années passées à l’école. Riad (Sattouf) me disait : « Si t’as

pas le bac, je ne te prends pas dans mon prochain film ! » (Rires.) Il me gonflait un peu, il me disait : « Tu passes ton bac d’abord ! » Vous étiez vraiment un zéro avec les femmes « avant », comme vous l’avez déclaré ? Euh non, pas vraiment… enfin, ouais… C’était un autre monde, cette période, j’étais assez timide. Moins maintenant… Bon là, je suis à nouveau célibatair­e, je ne vis plus avec quelqu’un… Mais je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça… enfin bref ! (Rires.) Enfin, bref… on m’a dit que vous étiez un dingue du Tour de France. J’adore ! Je tiens ça de mon père. Le Tour 2003 m’a hypermarqu­é, avec Jan Ullrich, dont j’étais hyper fan, qui a failli gagner. J’étais en vacances chez mes grands-parents, dans le Sud-Ouest. Je passais mes journées devant la télé à mater la course. Le cyclisme est un sport hypertacti­que. Vous faites vous-même du vélo ? Non, pas vraiment. Je ne fais pas énormément de sport, c’est le moins qu’on puisse dire. Pour l’instant, c’est pas ce qui me caractéris­e. Vos parents expriment-ils leur fierté, ou ce sont des gens qui ne montrent rien ? Ah non, non ! Ils me le montrent et me le disent. Ils m’ont toujours laissé faire ce métier, alors qu’ils auraient pu m’empêcher et me dire : « Non, va à l’école ! » Ils ont tout de suite pigé que j’avais envie de faire ça, et du coup ils m’ont très vite laissé décider des choses par moi-même. Je pense que c’est une preuve de confiance et de fierté. Vous n’avez jamais pris de cours, comment avez-vous le sentiment de progresser ? Avant chaque tournage, je me dis : « Comment je vais faire pour m’en sortir, vu que j’y connais rien. » C’est pourquoi je me prépare durement. Le truc qui me rassure, c’est le rapport avec le réalisateu­r. C’est pour ça que j’aime bien travailler avec des gens que je connais et apprécie. Ce qui est étrange, dans ce métier, c’est qu’on nous demande d’être naturel ; et en même temps, il faut apprendre des trucs et des machins, et ça nous dépasse. Julie Delpy a déclaré un truc amusant, parce qu’à double sens : « J’ai toujours aimé mettre en scène des êtres névrosés et psychotiqu­es. » Elle parlait de vous ? Je pense qu’elle parle des personnage­s ! Ce qui ne m’empêche pas de reconnaîtr­e que je suis assez névrosé. Mais voilà, je n’ai pas à m’expliquer sur ma névrose. Vous êtes le genre à avoir des excès de mélancolie. Je me trompe ? J’ai en effet de grands accès de mélancolie. Comme tout le monde. Il y a toujours un moment où on se demande ce qu’on fout là. Qu’est-ce qu’il vous manque aujourd’hui ? Je ne sais pas. Pour l’instant, je suis très heureux. Peut-être quelques années. On est mieux quand on a 30 ans. A 20 ans, vous commencez à faire des choix qui sont plus ou moins définitifs, et puis c’est les premières expérience­s. Mais en fait, c’est génial d’avoir 22 ans ! Allez ! Tout le monde à 22 ans ! (Rires.)

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