Marie Claire

STORY Kark fur ever

Fendi fête les 50 ans de sa collaborat­ion avec Karl Lagerfeld, qui dessine ses fourrures depuis 1965, date du premier coup de crayon d’une révolution.

- Par Anne-Laure Griveau

Madame est gonflée ! » peuton lire sur l’un des croquis de Karl Lagerfeld pour le modèle Inflatable ( une fourrure gonflable) de la collection Fendi automnehiv­er 1979-80. Eh bien, Monsieur aussi. Quand les soeurs de la célèbre maison romaine, déjà engagées dans le renouvelle­ment de la fourrure, viennent le chercher il y a cinquante ans, Karl Lagerfeld accepte, à une condition : s’amuser, pour tout révolution­ner. Dans ce milieu des années 60 en pleine ébullition, la société évolue vers plus de libertés et il n’est pas question pour le créateur de laisser la fourrure s’emprisonne­r. Il ne tarde pas à agir, à commencer par un logo siglé d’un double F, pour « Fun Fur » (fausse fourrure, en français, mais aussi, littéralem­ent, « la fourrure amusante »). Destiné à une série d’une quinzaine de pièces, le sigle devient rapidement le symbole de la maison. Une légèreté d’esprit qui se retrouve dans l’époque, mais aussi dans le poids des peaux, très vite délestées par Karl Lagerfeld de leur lourde doublure. Souple et confortabl­e, la fourrure peut désormais être portée comme un vêtement moderne et devenir une véritable pièce de mode. Adieu la grande pelisse bourgeoise, témoignage d’un statut privilégié, un brin austère : on assiste à la naissance d’une nouvelle élégance, celle d’un luxe teinté d’ironie. Karl Lagerfeld mêle alors fourrures rares et fourrures moins nobles, comme le castor et la marmotte, ou d’autres étoffes (comme le denim quand il crée les costumes de l’opéra « Carmen », en 1986). Traité comme un velours ou un tweed, le précieux matériau prend également de nouvelles formes, comme celles de la collection unisexe de 1967 où des fourrures blousons habillent des pantalons de cavaliers, ou celles de l’année 1996 et ses silhouette­s longiligne­s dont les cols montants sont le seul ornement. Avec lui, disparaiss­ent aussi l’uni ou l’imprimé animalier des années 50. L’air des seventies lui inspire des effets de fourrures

juxtaposée­s en rayures ou en tresses, ou, plus tard, une collection aux couleurs des cieux où les peaux sont peintes comme des tableaux (automne-hiver 1979-80). Le succès est éclatant, jusqu’aux années 90, celles de la génération « Plutôt à poil qu’en fourrure », qui appellent des créations plus sobres et des ventes elles aussi moins exubérante­s. Aux anti-fourrures d’hier et d’aujourd’hui – en juillet dernier, Haute Fourrure, le premier défilé de Fendi lors de la haute couture à Paris, a créé la polémique –, Karl Lagerfeld demande en quoi manger de la viande ou porter du cuir serait plus acceptable. Il insiste aussi sur le pouvoir économique d’une industrie qui, loin d’être funeste, ferait vivre de nombreux travailleu­rs. Un point de vue décomplexé qui se discute mais qui, doublé d’une créativité elle aussi désinhibée, remet la fourrure au goût du nouveau millénaire. Expression des évolutions sociocultu­relles, la fourrure de Karl Lagerfeld est aussi celle des avancées technologi­ques. Rien de cette révolution à poil n’aurait été possible sans les cinquante années d’expériment­ations réalisées au sein du Fur Atelier, l’atelier de fourrure interne à Fendi (seule maison à en posséder un au monde). Inventions pour le traitement, le tannage et l’impression des peaux, essais de coupes et d’assemblage­s ou encore adaptation du travail de marqueteri­e à la fourrure, jamais l’atelier romain, à qui Karl Lagerfeld présente chaque saison ses croquis, n’a déçu le créateur. Une technique a toujours été trouvée ou inventée pour réaliser ses idées, qu’elle soit puisée dans la tradition de la maison ou dans l’ultra-technologi­e.

 ??  ?? Les soeurs Fendi Franca, Carla, Anna,Paola et Alda (de g. à dr.) reçoiventK­arl Lagerfeld à Rome, en 1986.
Les soeurs Fendi Franca, Carla, Anna,Paola et Alda (de g. à dr.) reçoiventK­arl Lagerfeld à Rome, en 1986.
 ??  ?? 5 3. Dès les années 1970-71, la piste ethnique inspire le style de ce look Eskimo. 4. Une fourrure de couleur s’incruste délicateme­nt sur une robe à travers des coutures « éclatées » (2014-15). 5. Pour le modèle Mappamondo (1978-79) en taupe brodée sur tulle, tout le génie des ateliers de la maison Fendi à l’oeuvre.
5 3. Dès les années 1970-71, la piste ethnique inspire le style de ce look Eskimo. 4. Une fourrure de couleur s’incruste délicateme­nt sur une robe à travers des coutures « éclatées » (2014-15). 5. Pour le modèle Mappamondo (1978-79) en taupe brodée sur tulle, tout le génie des ateliers de la maison Fendi à l’oeuvre.
 ??  ?? 2 1. En 1960, les soeurs Fendi développai­ent seules un prêt-àporter en accord avec la Dolce Vita romaine. 2. Rendre possible l’impossible : avec le modèle Ravioli (1982-83), la fourrure plonge dans la gastronomi­e.
2 1. En 1960, les soeurs Fendi développai­ent seules un prêt-àporter en accord avec la Dolce Vita romaine. 2. Rendre possible l’impossible : avec le modèle Ravioli (1982-83), la fourrure plonge dans la gastronomi­e.
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