Diane KRUGER Toute crue
Frêle brindille à l’allure hitchcockienne, elle manie le juron et l’argot comme personne, se départit comme aucune autre des convenances hollywoodiennes. Et se livre sans jamais minauder. Rencontre avec une actrice qui impose son style.
Labelliser Diane Kruger comme décorative serait juste mais réducteur. Et à côté de la plaque. Bien sûr, ses cheveux tirés en chignon très Lili Marlene mettent à nu une peau et des traits parfaits. Ajoutez une silhouette micromenue, elle se classe d’emblée dans le camp des meufs d’élite physiquement parlant. Nous écrivons « meuf » parce que l’actrice parle comme ça, c’est le cas de pas mal de femmes aujourd’hui, et pas seulement des rappeuses ou de Virginie Despentes. Ça nous surprend et ça nous plaît. Une blonde au physique hitchcockien qui manie l’argot et le juron, ça a du chien, et la demoiselle n’en manque pas. « Avec ton physique, tu ferais mieux d’être actrice que mannequin », lui avait dit Luc Besson. « Je mesure 1,70 m, je n’avais pas le physique mannequin », reconnaît-elle. Elle avait 16 ans, elle a filé au Cours Florent. « Après les cours, on parlait, on parlait, fumant cent cinq cigarettes à la chaîne. Nos discussions ne menaient nulle part. A ce rythme, tu deviens très conne. » Elle épouse l’acteur et réalisateur Guillaume Canet, qui la révèle dans « Mon idole », puis divorce. Et tente sa chance aux Etats-Unis. Pour le casting d’Hélène de Troie, ce poidsplume s’empiffre toutes les deux heures, pour prendre du poids en quinze jours. Lestée de 7 kg, elle jouera le rôle, au côté de Brad Pitt. Exploser la balance signe le début de sa carrière transatlantique, où elle enchaîne les films, « pas que des chefs-d’oeuvre », précise-t-elle. Mais en 2009, elle convainc Quentin Tarantino qu’elle en a sous le pied. Mission réussie : elle est l’espionne allemande infiltrée de « Inglourious Basterds ». Elle revient sur les écrans français dans « Maryland »*, en femme de riche protégée par un garde du corps ultra-nerveux joué par Matthias Schoenaerts. Diane Kruger est une créature hybride. Actrice mais pas trop, sophistiquée et cash, la troublante MarieAntoinette de Benoît Jacquot (« Les adieux à la reine ») tourne depuis quinze ans. Elle semble mûre pour décrocher un premier rôle XXL.
Marie Claire : Pourquoi la réalisatrice Alice Winocour a-t-elle pensé à vous pour ce rôle d’épouse d’homme d’affaires ? Diane Kruger : Je pense qu’elle avait envie d’une femme assez froide à l’extérieur, qui peut facilement switcher entre un monde très sophistiqué et un côté, dès qu’on enlève le maquillage, très vulnérable. Je dirais que la femme que vous interprétez est plus terrienne que vulnérable. Elle vient d’un milieu très différent de celui de son mari. On sent qu’elle n’y est pas très à l’aise. Ça se voit quand elle donne à bouffer au chien, dans la cuisine, pendant la fête. C’est pas très chic. Vous avez fait vos débuts avec Dennis Hopper dans « The piano player » de Jean-Pierre Roux. C’était mon premier film. Il jouait mon père, mon personnage avait avec lui une relation très conflictuelle. Mais oui, il m’a appris les basiques du cinéma, à jouer les scènes d’émotions. C’est très difficile de doser les émotions quand on n’a pas d’expérience, quand on doit pleurer par exemple. Ça me faisait flipper à un point ! Je donnais tout à la première prise. Quand il faut la refaire, c’est impossible, on n’a plus de larmes.
Comment dose-t-on ses larmes ? Il suffit d’avoir le coeur ouvert, de ne pas avoir peur d’être vulnérable. Dans la vie, on essaie de cacher ses émotions devant les autres, on ne les partage qu’avec les plus proches. Ça prend des années pour parvenir à partager ça avec un staff sur un plateau. Vous avez été élève au Cours Florent. Ayant aussi une carrière américaine, avez-vous eu envie de vous former à l’Actors Studio ?