Marie Claire

Les arbres de Madame Sarah

A 29 ans, elle combat la désertific­ation et aide les femmes à s’autonomise­r en Tunisie. Sarah Toumi a reçu un Rolex Award pour ses initiative­s éco-féministes.

- Par Corine Goldberger

et des végétaux qui génèrent de nouveaux revenus. Et cibler d’abord les femmes diplômées au chômage afin d’autonomise­r les rurales bloquées au village et favoriser la mixité au travail. C’est en puisant dans ses souvenirs de petite Française en vacances chez ses grands-parents tunisiens que le projet prend forme : « Mon père m’a emmenée pour la première fois dans sa famille à 9 ans. Et là, stupeur : une fille n’avait pas le droit de faire du vélo ; ma grand-mère a démonté le mien et en a éparpillé les pièces dans le jardin. Ni le droit d’aller faire les courses seule à l’épicerie à 12 ans : j’étais trop grande. Ni le droit de contredire les garçons. Ça me révoltait. » D’autant que son père l’élève « avec l’idée que rien n’est impossible sous prétexte qu’on est une fille : “Tu veux devenir astronaute ? OK, voyons comment tu peux y arriver” ». Elle choisira finalement une autre voie. Depuis l’âge de 11 ans, Sarah a l’habitude de l’action collective et réfléchit aux solutions pour combattre la pauvreté. En vingt ans, le niveau des pluies en Tunisie est passé de 350 à 50 mm par an – un phénomène qui affecte les trois quarts du territoire national. Mais il faut bousculer les habitudes locales. Le projet de Sarah Toumi est simple : après deux ans en pépinière sponsorisé­e, cinq acacias sont donnés gratuiteme­nt à chaque femme volontaire, qui est alors formée pour en prendre soin. En milieu aride, l’acacia régénère les sols et draine l’eau. Au bout de trois ans, les arbres produisent de la gomme arabique, rentable car très utilisée dans l’industrie agroalimen­taire et la cosmétique.

L’objectif : planter un million d’arbres avant 2018 et permettre aux femmes de Bir Salah de gagner 10 000 € par an et par hectare exploité. Réunies en coopérativ­e, les volontaire­s cultivent aussi le moringa, arbre d’origine indienne dont les feuilles, réduites en poudre, donnent des tisanes bios appréciées en Europe. Ces femmes produisent aussi de l’huile d’olive, des tomates séchées, mais aussi de l’artisanat. « Grâce à ce qu’elles gagnent, ces leaders de demain n’ont plus besoin de quémander un dinar pour aller téléphoner et, finalement, choisir leur vie », se félicite l’entreprene­use. L’an dernier, déjà couverte de distinctio­ns, Sarah Toumi figurait parmi les « 30 under 30 » – classement des entreprene­urs remarquabl­es de moins de 30 ans – du magazine américain Forbes. Des équipes de journalist­es s’étaient alors ruées sur Bir Salah, à la grande surprise des villageois. « Nous avons une star ici ! »

Du moringa aux tisanes bios

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