Marie Claire

Antonin Tron pour Atlein

Antonin Tron ne travaille que le jersey. Ses drapés sophistiqu­és sont liés à un impératif de mobilité.

- Par Emmanuelle Ducournau sur d’autres portraits de créateurs www.marieclair­e.fr/createurs

Interview A 32 ans, vous avez un profil de compétitio­n : Académie royale des beaux-arts d’Anvers, Louis Vuitton, Givenchy, Balenciaga. Que lit-on entre les lignes de votre CV ?

Je ne me destinais pas à ce métier, j’étudiais les lettres modernes. C’est la mode belge, sa densité, qui m’a fait quitter Paris. En Belgique, le vêtement est un outil pour parler d’autres choses. En sortant des Beaux-Arts d’Anvers, on n’est pas designer, en fait, mais plasticien (il y était en même temps que Glenn Martens d’Y/Project et Demna Gvasalia de Vetements et Balenciaga, ndlr). Louis Vuitton Homme a été ma véritable formation : l’exigence du luxe, le rapport aux usines. Aujourd’hui, je suis très proche de l’outil industriel. J’ai découvert le fabricant vosgien avec lequel je travaille grâce à Balenciaga. J’y suis entré avec Nicolas Ghesquière et continue d’y oeuvrer en free-lance, ce qui me permet de financer ma marque.

Lancée à l’automne-hiver 2016, elle porte le nom d’un lieu imaginaire, Atlein. C’est une invitation au voyage ?

C’est ça. Plutôt que mon nom, je voulais une destinatio­n. Et une sonorité européenne (Atlein se prononce à l’allemande) évoquant l’Atlantique, territoire vaste, sans frontière, où j’aime surfer. Pourquoi vous concentrer sur le jersey comme Jean Muir, créatrice britanniqu­e dont vous revendique­z l’héritage ?

Je n’aime pas les entraves, le confort est un dû, et certaineme­nt pas à l’exclusion de la féminité. La mode doit accompagne­r un style de vie toujours plus mobile, ce qu’avait compris Jean Muir dès les années 60 et 70. Ses pièces en jersey, simples mais très élaborées, étaient d’une grande modernité. Ses surpiqûres, un véritable langage. Je me vois comme un designer d’objets. Mathieu Matégot (premier designer français à imaginer du mobilier en métal perforé, dans les années 50) se concentrai­t sur un matériau jusqu’à sa maîtrise totale. Le jersey (de coton, de soie, de viscose) peut se modeler, son tombé fluide n’est jamais nerveux. Cet été, je multiplie les textures – un jacquard ajouré avec pointillé par exemple –, les fais se rencontrer. Comme dans les sensuelles collisions de mousse ou de métal du plasticien John Chamberlai­n.

Quelles images ont fondé votre esthétique ?

Sigourney Weaver dans Alien, que j’ai vu à 12 ans. La technique d’Azzedine Alaïa. Mark Rothko, découvert à la Tate Modern, à Londres, m’a mis par terre. Ce n’était plus de la couleur mais du son, des vibrations et, là encore, un mouvement.

Aux Galeries Lafayette et sur Net-a-porter.com.

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