Envie conjugale

J’ai souvent été frappée d’entendre et de lire que la routine tuait le couple, je n’ai jamais été d’accord avec cela. Le quotidien peut aussi toucher au sublime, et l’habitude, être un impatient rendez-vous. « On prend notre bain ensemble tous les jours à 7 heures », nous raconte ainsi Eva Ionesco. Une scène de la vie conjugale simple, fondatrice. « Mais on ne peut pas prendre deux bains dans la même journée à cause du chauffe-eau qui a été installé par un radin », ajoute Simon Liberati, son mari. Leur rituel est prosaïque, et sa mythologie, personnelle et forcément incompréhensible. Elle appartient à leur histoire silencieuse. Prendre un chocolat au café du coin, discuter quand l’autre prend sa douche, faire les courses au supermarché peuvent être des ciments personnels et poétiques volontiers insoupçonnés. Et pourtant si tendres. Qu’est-ce qui distingue la corvée du rituel ?

Les retrouvailles. La part du sacré. Nous avons ainsi cherché à comprendre comment, dans l’histoire de cinq couples, un moment trivial et répété pouvait faire sens et force. Comment naissait et se prolongeait le rituel. Pourquoi le coeur crépitet-il encore dans un moment d’une banalité féroce ?

Un jour, mes matins dans la salle de bain devinrent brutalement une tout autre histoire que l’habituelle. J’étais seule, nue, sous la douche, à construire ma journée sans pouvoir poser mes questions stupides de femme qui doute.

Il y a une délectation, il est vrai, pour certains caractères, à porter seule les poids et les encombres. Il y en a une bien supérieure : pouvoir être totalement nue devant quelqu’un dans un des moments les plus communs de la vie.

— Marianne Mairesse, directrice de la rédaction