Prison : écrire pour mieux se réinsérer
De sa sortie, elle s’était longtemps fait une fête, décomptant chaque jour dans sa tête comme un calendrier de l’avent. Mais à mesure que la liberté approchait, Melinda perdait pied. Dans la solitude de sa cellule, les angoisses s’enchevêtraient. Inextricables. Il y avait la peur de ne plus savoir vivre hors les murs, celle d’être marquée du sceau indélébile des taulardes, sommée de toujours se justifier. La peur, enfin, d’être incapable de redevenir la mère de ses quatre enfants, élevés loin d’elle. Une « petite année » avait suffi pour brouiller le souvenir de leurs visages, de leur odeur et de leur rire. Une fois dehors, Melinda a buté sur chaque geste du quotidien. La prison colle à la peau jusque dans le langage : elle ne disait pas « chambre » mais « cellule », proposait de servir la « gamelle » et tenait toutes ses affaires rangées « sur un mètre →
carré, pas plus ». Moins d’un an après sa libération, elle est de retour derrière les barreaux, à Sequedin. Sans diplôme ni expérience professionnelle, souvent isolées socialement, souffrant pour beaucoup d’alcoolisme, de toxicomanie ou de troubles psychologiques, comment éviter que ces femmes récidivent et leur permettre de ne pas faire de leur liberté retrouvée une nouvelle prison ? Depuis plus de sept ans, la Fondation M6 a fait de l’univers carcéral une priorité, et développe des « projets tournés vers l’emploi, la lutte contre l’illettrisme, ou la culture comme vecteur de resocialisation ». Et cette année, la Fondation M6 et l’Education nationale ont lancé la deuxième édition du concours d’écriture « Au-delà des lignes… » – dont Marie Claire est partenaire – au sein d’établissements pénitentiaires, en partenariat avec l’administration pénitentiaire et ses directions interrégionales de Lille, Rennes et Paris. Un concours d’écriture auquel participe, entre autres, la prison de Sequedin. « Avec 35 % de personnes en difficulté de lecture dans les prisons françaises (dont 11 % en situation d’illettrisme), la mobilisation autour de l’illettrisme est devenue un enjeu majeur contre la récidive », expliquet-on à la Fondation M6.
Catherine Renaux est enseignante à la prison de Sequedin. Des femmes comme Melinda, elle en voit depuis des années. Chaque jour, dans une petite salle au rez-de-chaussée, elle les accueille et tente de les préparer au retour à la liberté. Il faut la voir les motiver, leur donner envie d’apprendre encore, enseigner le français à celles qui ont tout oublié ou n’ont même jamais appris. La voir utiliser l’écriture comme une échappatoire, un moyen de panser ses plaies. Elle les encourage, les pousse à noircir quelques pages. De n’importe quoi – peu importe que ce soit des mots, des phrases… « Enseigner en prison, c’est apprendre à ne mettre aucun frein dans sa façon de faire. Il faut
prendre en compte l’état d’esprit de chaque élève, et il peut changer tous les jours », glisse-t-elle humblement.
« Avec ces femmes, on repart de zéro. Pour construire un projet de réinsertion qui tienne la route, il nous faudrait un parc locatif, des places dans des structures adaptées et des formations professionnelles qui proposent autre chose que le nettoyage
ou la cuisine », constate Olivier Boudier, directeur de l’antenne de Sequedin du Service pénitentiaire d’insertion et de probation, chargé de prévenir la récidive. Parce que minoritaires en prison, les femmes (4 % de la population carcérale) se voient systématiquement proposer des formations stéréotypées, moins variées que celles des hommes. Elles souffrent aussi davantage de l’éloignement géographique avec leur famille, peu d’établissements disposant d’un quartier pour femmes. Cette année, à Sequedin, elles sont dix-sept à avoir participé au concours. Les lauréats se verront proposer un accompagnement à la réinsertion. Résultats le 29 juin. — e.g. et m. q.-b.