Marie Claire

L’autre reine Elisabeth

Après “Mad men” et “Top of the lake”, Elisabeth Moss confirme son statut de reine de la série contempora­ine avec son rôle dans “La servante écarlate”, fable asphyxiant­e et magnétique sur la condition féminine.

- Par Clélia Cohen

Quand on l’a découverte, seule femme ou presque parmi les hommes en complet sombre de Mad men, on s’est écrié : « Tiens, c’est la fille du Président d’A la Maison-Blanche !» ; lorsqu’on l’a vue en détective opiniâtre dans Top of the lake, on s’est dit : « Mais c’est Peggy de Mad men !» ; alors qu’on la retrouve dans la série-phénomène La servante écarlate, on est bien forcé de l’admettre : à 35 ans, Elisabeth Moss est l’actrice au CV le plus clairvoyan­t de l’histoire récente de la série TV. Enserrée dans une cape rouge et coiffée d’une cornette blanche, elle y incarne l’esclave moderne d’une Amérique gangrenée par le spectre des dérives de l’administra­tion Trump : dans un futur proche, la déliquesce­nce environnem­entale a dangereuse­ment fait baisser la fertilité des femmes, et un régime totalitair­e s’est mis en place, tentant de repeupler le pays en envoyant des « reproductr­ices », complèteme­nt asservies, chez des couples stériles de l’élite.

Elisabeth Moss incarne l’une d’entre elles. Véritable enfant de la série moderne, cette actrice surdouée, à la présence singulière, est de tous les plans, avec son visage à l’expressivi­té inouïe, seul écran qu’il nous reste pour tenter de déchiffrer le monde méconnaiss­able qu’elle arpente, hagarde. Sa voix aussi est omniprésen­te, tandis qu’elle commente, en

Une présence singulière « off » et avec beaucoup d’ironie, sa vie surveillée de toutes parts. Il se dit que ces gros plans où l’actrice se récitait ainsi intérieure­ment sa voix off, laissant affleurer mille nuances sur son visage, ont été filmées directemen­t par le directeur de la photo, ce qui ne se fait jamais sur un tournage américain, tant il était fasciné de voir de près, à l’oeuvre, ce talent. Alors qu’elle joue dans des séries depuis vingt-huit ans, ayant débuté à 6 ans dans une mini-série avec Sandra Bullock, Elisabeth Moss est peu à peu entrée dans notre imaginaire collectif : la scène de Mad men où on la voit quitter les bureaux patriarcau­x de l’agence SCDP, avec son carton d’affaires et une insolente clope au bec, est à présent un GIF iconique relayé lors de la Journée internatio­nale des femmes. Le showrunner de La servante écarlate, Bruce Miller, dit adorer « Lizzie » à cause de « sa capacité remarquabl­e à avoir l’air d’une personne normale à l’écran ». Avec ce rôle qui la veut tête rentrée dans les épaules, yeux cernés, on voit bien qu’Elisabeth Moss n’a pas passé son temps de tournage à vérifier son image dans le combo. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais au royaume du simulacre qu’est Hollywood, c’est un geste d’une haute radicalité.

La servante écarlate de Bruce Miller, avec Elisabeth Moss, Yvonne Strahovski, Alexis Bledel et

Joseph Fiennes, à partir du 27 juin sur OCS.

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